Avec un potentiel rachat des Girondins par Gérard Lopez et des droits télés acquis par Amazon, le portrait actuel du football français demeure l’un des plus intrigants. Décryptage.
Le nerf de la guerre
Le football est le reflet de la société, quoi de plus normal pour lui, que d’être soumis à des économiques. Au-delà d’être une institution locale et sportive, la majorité des clubs de football sont aujourd’hui des armes économiques, politiques et sociales.
Le football français n’y échappe pas. En effet, pour de nombreux investisseurs un club de football est une véritable poule aux œufs d’or. Sur le plan français on peut citer le PSG, racheté par les Qataris (dans l’idée de renforcer le soft power en vue du mondial de 2022). Rachat poussé par Sarkozy lui-même ainsi que par les politiques locaux.
Le cas de Gerard Lopez
Autre exemple le LOSC, racheté à l’époque par Gerard Lopez, soutenu par différents fonds d’investissements. Inspirée par la stratégie de trading qui a tant rapporté à Monaco (après son titre de champions en 2017), la volonté de Lopez a été d’installer ce même modèle à Lille. Et cela avec comme principal argument l’expertise de Luis Campos (alors consultant et non salarié du club). Malgré une descente frôlée, les Lillois se sont maintenus et ont inversé la tendance. Ceux-ci ont finalement décroché un titre de champions de France en 2021.
Cependant, malgré ce titre acquis, la dette accumulée par le club nordique est colossale. Au point de faire tomber Gerard Lopez de son poste. Lui qui a été poussé violemment vers la sortie, à cause de différends fonds d’investissements. Pourquoi parler de Lopez ? Tout simplement, car son dossier est en pôle position dans celui des potentiels repreneurs des Girondins de Bordeaux.
Le club bordelais, en perdition totale se voit aujourd’hui « sauvé » par Gérard Lopez. De nombreux supporters seront sûrement ravis de voir Fréderic Longuépée ainsi que Kingstreet (banque propriétaire majoritaire du club), quitter le navire. Au fil d’une gestion administrative et sportive des plus improbables (une relégation évitée de justesse), la présidence ainsi que les propriétaires ont réussi à se faire détester par l’ensemble des supporters. Au point que des affiches montrant le président du club ont été placardées dans toute la ville !
Cette potentielle reprise d’un club historique, par un homme dont la gestion économique des clubs de foot est plus ou moins douteuse, est assez inquiétante. Elle démontre une sorte de laxisme, de la part des institutions de régulation économique comme la DNCG. Celles-ci ont laissé faire Lopez au moment de prendre Lille, et lui qui risque de récidiver avec Bordeaux. Au-delà du pur aspect sportif, ce laxisme met en danger de nombreuses personnes.
Un laxisme dangereux
À commencer par les employés du club. En cas de descente, c’est toutes les économies d’un club qui prennent un coup. Le mot d’ordre est donc de serrer la ceinture. Les suppressions de postes suivent régulièrement les descentes sportives ou administratives. Dans un second temps, ce sont les économies locales qui payent les pots cassés. Le meilleur exemple ? Celui de Bastia, qui a vu toute l’économie autour de son stade, s’effondrer après la chute du club (qui se relance peu à peu).
En clair, le portrait économique du football français n’est pas des plus rassurants. De plus, quand on repense à la gestion de la fin de championnat 2020, le constat est assez scandaleux. Nous sommes le seul pays du top 5 à ne pas reprendre le championnat. Actant ainsi un classement qui aurait pu changer énormément de choses sur le plan économique et sportif de nombreux clubs, comme par l’exemple l’OL. Malheureusement ce n’est pas le seul constat dérangeant.
Feuilleton télévisé
Le football français a connu une surenchère médiatique, suite à l’arrivée de Neymar au PSG, suivi de Mbappé. On peut reprocher aux dirigeants du football français d’avoir laissé un diffuseur comme Mediapro, s’accaparer des droits de diffusion pour une somme exorbitante (qu’ils ne payeront pas). Seulement, quand on observe le niveau de la ligue 1 chaque week-end, il était prévu d’avance qu’un abonnement à 25€ par mois, était voué à l’échec.
Au vu du désintérêt progressif, pour le football, ainsi que de la qualité de jeu proposé et également des stades à huit-clos, le pari économique du groupe barcelonais était tout simplement suicidaire. De plus, la question du streaming et du piratage est également à aborder pour tous les diffuseurs.
Comment des présidents de clubs ont pu à ce point être naïfs, en surévaluant leur produit ? Car si certains pensent que ce sont les ventes de maillots qui remplissent les caisses d’un club, c’est faux. Ce sont les droits télévisées.
Ces droits sont proposés en lot, à la suite d’un appel d’offre le plus offrant remporte le lot, e t la somme est redistribué entre les différents clubs (prenant en compte des paramètres sportifs et structurels). De fait, lorsque des clubs basent leur gestion économique, sur de l’argent qu’ils ne percevront jamais (Mediapro s’étant retiré), la catastrophe n’est jamais loin.
Aux dernières nouvelles, Amazon a récupéré les droits de la Ligue 1. Au détriment de Canal +. Chaîne qui a longtemps gardé une sorte de monopole sur le championnat (de par ses investissements dans le PSG par exemple). Contrairement à Mediapro, la multinationale américaine espère se servir du foot comme une arme pour mettre en avant ses boutiques, ainsi que ses produits complémentaires (compte Prime etc). Il n’est pas fou de penser que les abonnements sauront être un peu plus raisonnables sur l’aspect économique.
Quoi qu’il en soit, le football français traverse une période des plus complexes. Entre désintérêt pour son championnat, guerre de diffusion et gestion économique de ses clubs, le chantier est colossal. Pour finir, être le sport le plus populaire de France (et au monde) et avoir une ministre des sports qui ne considère pas le football, ne fait que rajouter un poids sur les épaules de notre football.
Affaire à suivre…