En ce début d’année 2024, Jonathan Glazer s’est largement démarqué par un long-métrage au cœur de l’horreur nazie, suscitant la commémoration des victimes du passé ainsi que la compassion du spectateur face à cette sombre époque de l’histoire.
Du cinéma engagé rappelant que seule la mémoire peut sauver de l’oubli
La Zone d’intérêt retrace le quotidien du commandant nazi Rudolph Höss et celle de sa famille vivant auprès du camps de concentration d’Auschwitz. Alors que le nombre de morts ne cesse de croître juste à côté de leur maison, la famille fait le choix de fermer délibérément les yeux sur l’abîme de cruauté qui prend place.
Jonathan Glazer parvient à troubler le spectateur avec une mise en scène paradoxale. C’est-à-dire celle d’une famille plongée dans une perturbante tranquillité qui cache barbelés, miradors et déportés. Toute l’horreur du camp n’est pas visible à premier abord, au contraire elle réside entièrement dans la bande son contrastant avec le silence complice de la famille.
Les Höss vivent dans un déni choquant, et s’abandonnent à une existence bucolique au milieu de ce huis clos de l’horreur. La quiétude à laquelle ils s’adonnent dans leur jardin marchande tacitement avec une inhumanité palpable. Autrement dit, le film compose avec une dualité constante entre indifférence et cruauté.
La banalité du mal : la distinction entre cruauté et médiocrité
D’autre part le film retranscrit le concept de la “banalité du mal”, un phénomène théorisé par la célèbre Hannah Arendt. Un phénomène selon lequel, le plus grand mal du monde est accompli par des personnes insignifiantes. Des personnes dépourvues d’un quelconque motif, d’une simple conviction. Des personnes qui ne sont pas méchantes, en d’autres termes qui n’ont aucune intention démoniaque. Finalement, par des personnes qui en bonne et due forme, troquent leur humanité et leur manière de pensée par eux-même, par de la pure indifférence et de la complaisance.
Par exemple, Adolf Eichmann – un des responsables majeurs dans la déportation des juifs et mort par pendaison – en refusant d’agir comme un humain a littéralement délaissé sa capacité caractéristique de l’être humain en tant que tel. C’est-à-dire la capacité qui consiste à pouvoir penser soi-même. En conséquence de quoi, il n’était plus apte à porter de jugement moraux.
Il convient de rappeler que le souffle de la pensée ne se manifeste pas dans le savoir, mais se retrouve à travers la qualité de pouvoir distinguer le bien du mal, tout comme la beauté de la laideur. En ces termes, il ne s’agit pas de chercher à pardonner, mais plutôt de comprendre. Et essayer de comprendre, ne signifie pas pardonner. Comprendre est au contraire une responsabilité.
En somme, La Zone d’intérêt rend compte d’un aperçu choquant de l’ampleur de l’effondrement moral qu’ont provoqué les nazis dans une Europe déshonorable. Le réalisateur confronte le spectateur à sa propre humanité et l’invite à rester vigilant sur les crimes humanitaires qui malheureusement remplissent encore l’actualité à notre époque.
La Zone d’intérêt de Jonathan Glazer, actuellement en salle.