Avec It’s Only Me, Lil Baby assume son caractère unique en montrant que le fruit du travail est mérité, tout en pensant que deux ans d’absence justifient la sortie de 23 titres.
Lil Baby n’en finit plus sur son deuxième album, It’s Only Me. Sortir un deuxième album est une tâche subtile, encore plus de nos jours où la pseudo critique infondée règne. C’est un exercice complexe qui, d’autant plus que pour le premier album, est sujet à l’attente. Car pour le sophomore, l’attente est accompagnée de sa vilaine copine la comparaison. Et à juste titre, puisque sans évolution -ou dégradation-, l’art ne serait pas art.
Dominique Jones prouve qu’un destin forcé peut rimer avec une belle histoire. Après ses passages en prison pour des affaires de possession de drogue, le rappeur alors libérable s’est fait aider financièrement par Young Thug pour une tâche précise : rapper et briller.
Mixtapes et acte de présence
Cette sorte d’incubateur nouvelle génération, une fois lancé, a fait de Lil Baby ce que Lil Baby est. Après quelque nombreuses mixtapes et un succès grandissant en fin de décennie grâce à des morceaux comme « Freestyle », il sortait en début de nouvelle son premier album My Turn. Seulement voilà, l’artiste n’a jamais vraiment quitté les plateformes, quelles qu’elles soient. Bien qu’il n’ait pas sorti d’album complet depuis son album avec Lil Durk de l’été dernier, The Voice of the Heroes, il n’a pas arrêté de remuer les oreilles de ses fans. Au cours des deux dernières années, il a lâché des couplets sur des morceaux de Pop Smoke, Drake et Nicki Minaj. Il a également raconté son ascension dans le documentaire Untrapped : The Story of Lil Baby sur Prime Video. Présence, quand tu nous tiens.
Maintenant, il ne s’agit que de lui… Ou pas. Bien que le rappeur facture actuellement toutes ses collaborations à 350k$ ce qui devrait en faire fuir plus d’un, le rappeur d’Atlanta se retrouve paradoxalement autant entouré que sur son disque précédent. En tout, ce sont 8 hommes qui viennent donc l’aider à être seul, dont les nouvelles têtes Nardo Wick, Fridayy, Jeremih, Pooh Shiesty et EST Gee. Mais si toute cette histoire semble contradictoire, elle vaut quelque part le coup.
La vie de star
L’album s’ouvre directement sur un moment fort de l’album, si ce n’est le plus fort. « Real Spill », titre produit par G1 & Kaigoinkrazy, sample « The Big Unknown » de Sade et assoie sa vie de Rockstar, à un pas de quitter la rue. Une prise de recul sur le statut qu’il a aujourd’hui, avec un changement de mindset par rapport à la vie qu’il avait avant dans le ghetto. Ce morceau met en valeur sa capacité à occuper la place en solo, comprenant son bon refrain avec mention pour sa fière mère.
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Cette évolution n’a pas été facile, il montre qu’il a dû faire face à tous les problèmes de trahison du star system. Sacré star system. D’une certaine manière, Lil Baby l’utilise, et le fait bien. Car seul Lil Baby peut se permettre d’être Lil Baby, comme il l’explique sur « In a Minute », le « Pound Cake » de Drake trap-isé : « I’m just tryna ball and live, hundred mill’, I’m calling dibs/I’m the boss, pay all the bills, I’m the golden child for real/Go off in this bitch, I will, I been on my grind for years/And I’m out here grinding still, I need equity to sign the deal« .
It’s Only Me, mais avec des collaborations
Les collaborations de ce disque représentent à chaque fois des moments forts, où le rappeur pense au confort de ses invités, avant le sien. On se retrouve alors avec des morceaux diversifiés, entre l’apaisant « Forever » et son refrain de Fridayy doux comme le molleton, ou le charismatique et décidé « From Now On » produit par Tay Kieth et Murda Beatz avec Pluto Hendrix. Prenez un Pop Out, et vous retournerez dans l’ambiance de Me or Sum de Nardo Wick. À la 77ème seconde, ce dernier change la donne, enfonce l’ambiance, et assure que cet album sera différent de My Turn. « you can follow, wont lead you wrong, bro, i aint gon never fail you » Lil Baby est maintenant un homme à suivre.
L’inexactitude et la longeur du disque
Seulement selon la chance, car Lil Baby aime voyager entre l’épique et l’anecdotique, mais il se bat pour tenir la cadence tout en l’allongeant. Cet album souffre d’une longueur qui pourrait se traduire par la boulimie de travail du rappeur, ou par sa faim de succès. L’un n’allant pas sans l’autre quand c’est bien exécuté, cet album ne fait le job, hélas, qu’à moitié. Avec le temps et les morceaux défilant, les limites du Lamborghini Boy se dévoilent.
Là où une avancée sur la production se constate, par rapport aux habitudes de Lil Baby, ses flows se ressemblent beaucoup et il peine clairement à faire autrement. On est le témoin d’un rappeur qui profite de sa zone de confort, avec tout de même quelques éclairs de génie comme la démonstration paradoxale « Not Finished », qui montre que Lil Baby en a toujours sous le coude, mais qui fait comprendre que le disque a encore une bonne grosse demi-heure pour se terminer.
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La sortie du single « Heyy » comme premier goût de l’album illustre bien l’inexactitude que représente ce disque, avec un flow facile et un refrain fade manquant d’envie. Ce titre plus qu’oubliable aura néanmoins créé un contraste avec la sortie de tous les autres morceaux, où le bon paraît très bon, et l’acceptable plus qu’acceptable.
La quantité de It’s Only Me tue sa qualité, mais cette méthode bien connue marche, l’album de Lil Baby étant en passe d’être vendu à 210 000 copies en première semaine. Étant l’un des plus gros espoirs du courant musical le plus consommé ces dernières années sur les plateformes de streaming, le rappeur ne semble finalement pas vraiment vouloir en être le sauveur, en se collant au schéma d’un mode de distribution qui manque cruellement d’inspiration.