À l’heure où l’écosystème du Rap FR promeut de plus en plus la “New Gen”, un rappeur se démarque de par sa voix, son flow et ses influences. Benjamin Epps vient de lâcher chez Colors un nouveau titre intitulé “Ce que le pips demande”.
Pour la première fois de sa carrière, Benjamin Epps est passé dans les studios Colors. Une étape marquante pour un MC à l’ambition herculéenne.
Découvrez mon nouveau titre Ce Que Le Pips Demande sur @colorsxstudios : https://t.co/5TfxmTZ0d1 pic.twitter.com/TsW1aFzLdV
— Benjamin Epps (@BenjaminEpps3) January 13, 2022
Un run de performances de haute volée
“Vous êtes pas content, triplé” (BMW BOYZ). À la manière de Kylian Mbappé, Benjamin Epps a pour ambition de passer du statut de “petit prince” à celui de roi du rap français. Compétiteur dans l’âme, il poursuit avec force son marathon entamé en 2021. L’année dernière Eppsito c’est trois singles (Blizzard, Zidane en 2006, BMW BOYZ), quatre featurings avec nul autre que Dinos, Sam’s, 404Billy et Selah Sue et bien entendu “Fantôme avec chauffeur”, EP réussi en compagnie du Chroniqueur Sale au beatmaking.
2022 s’annonce toujours aussi chaud et débute de la plus belle des manières avec ce nouveau single réalisé dans le studio berlinois. L’entrée sur la track est percutante : “Mon pips observe, est en quête d’un héritier”. Un propos laissant sous-entendre que le successeur n’est autre que Benjamin Epps lui-même. Sur un sample du morceau “24k Magic” made in Bruno Mars, le MC emporte l’auditeur avec un refrain qui lui sied à merveille : “Je sais ce que le Pips demande / J’sais ce que le Pips demande, il veut l’excellence, l’excellence / Il veut manger, il veut le maximum.” Le public est prévenu.
Une identité artistique unique en France
La voie est libre. La porte du studio entrouverte, un homme large d’épaule s’y engouffre. Micro allumé, une voix nasillarde s’élance sur une prod “boom bap”. Vous assistez en direct à une performance de Benjamin Epps. Reconnaissable parmi tant d’autres, les intonations du rappeur gabonais, insufflent un vent de fraîcheur inédit dans le paysage du Rap fr. Attention une fois attrapés par cette vibe nasale, vous aurez bien du mal à vous en détacher tant Benjamin Epps semble être un ovni dans le rap actuel.
Ses influences ? Les USA et le rap new-yorkais. À la manière d’une lente déambulation sur le Brooklyn Bridge, son flow glisse sur des prods aux inspirations Soul et R&B. Dès lors, une question légitime apparaît ? À l’heure où le rap US se renouvelle et revient à des bases de MCing qualifiées d’old school, le natif de Libreville ne serait-il qu’une pâle copie de Westside Gunn ou Griselda ?
>> LIRE AUSSI | Nos 10 révélations de l’année 2021
C’est en tout cas la critique qui lui est fréquemment adressée. Sans prendre partie pour le lobby Benjamin Epps, il apparaît évident que ces critiques ignorent dès lors une partie essentielle du travail préparatoire d’un morceau chez un artiste : l’inspiration. Loin du plagiat, l’influence “Westside Gunn” sur la musique de Benjamin Epps est évidente, ce serait mentir de le nier. Tout comme ce serait tromper le public de dire que leurs placements sont similaires. L’intonation vocale elle aussi est semblable. Le style n’en reste pas moins divers. La track “Goom” (EP “Fantôme avec chauffeur”) parlant d’elle-même.
À contre pied du train de la hype
Le rap connaît un essor permanent. Chaque vendredi les plateformes de streaming sont inondées par la créativité d’une large palette d’artistes. Comment se démarquer dans ce flot continu de sorties hebdomadaires ? La réponse semble évidente pour Benjamin Epps.
Ambiance old school paradoxalement rafraîchissante, la musique d’Eppsito nage à contre-courant. Le défi était grand tant Benjamin Epps se démarque des influences actuelles. Le public français a pourtant répondu présent. Spontané dans sa manière de poser, s’approchant parfois même du freestyle, le MC énonce des rimes directes, sans fioritures.
Sa recette ? Un égo surdimensionné assumé. Benjamin Epps saisit son auditeur par la nuque et lui adresse un message frontal : “Souvent, je me dis quе ceux en face méritе une gifle de ma maman, ils ont laissé tomber le pips comme Obama.” (« Ce que le pips demande »).
Pas de fausse modestie, puisqu’il s’autoproclame “le meilleur de sa génération”. Une manière de s’identifier à son “moi” d’ailleurs trop peu présente dans le rap français. Évidemment le thème de la réussite personnelle y est régulièrement mis en avant, mais chez Benjamin Epps cela ne passe pas par des biais consumériste. Son ambition n’est pas tant d’exposer sa richesse, mais bien plutôt de signifier que son single sera le meilleur des sorties du vendredi.
“Booba a sorti le dernier album,
ça y est maintenant je peux prendre le trône.”
(« Notorious« )
Une rivalité artistique saine donc, bien loin de certaines altercations instrumentalisées et surmédiatisées. Mais Benjamin Epps ne risque-t-il pas de tourner en rond s’il ne renouvelle pas son mode “ego-trip” ? C’est là tout le défi de l’année 2022 pour le rappeur congolais. La recette fonctionne et n’a aucune raison de changer, au risque de perdre ce qui caractérise son identité. Nul doute qu’il saura se montrer créatif dans ce qui fait sa force et“Ce que le pips demande” chez Colors laisse présager une évolution des plus qualitatives.
Un crédo unique pour un rappeur qui fait tâche. Une tâche à l’esthétique soignée. Rare. Benjamin Epps, déjà couronné.
1 commenter
[…] Musique […]