Le 25 novembre 2020, Dieu a rejoint Dieu. Diego Maradona s’est éteint à l’âge de 60 ans. Le monde perd surement la plus grande étoile du football ainsi que le meilleur joueur de tous les temps. Trente Trois Degrés vous brosse le portrait du plus grand joueur que le foot n’ait jamais connu.
Adulé par certains, détesté par d’autres, l’argentin n’a laissé insensible personne, tant sa personnalité, ses exploits et ses engagements ont marqué le monde du football mais pas que…
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Un joueur hors norme
Si Maradona a suscité un engouement général, c’est tout d’abord par ses performances sur le terrain. Véritable prodige du ballon rond, il est, depuis son plus jeune âge scruté par les clubs argentins. À 12 ans seulement, les médias s’intéressent de plus en plus au gamin, qui à l’époque, joue pour Argentinos Junior. Devant ces mêmes médias il déclarera « j’ai deux rêves, le premier est de jouer une coupe du monde, le deuxième est de la gagner ». Mais avant de s’imposer mondialement, c’est sur le plan national qu’El Pibe de Oro va s’illustrer.
Pour commencer, il est important de préciser que le football est en Argentine, un facteur des dynamiques sociales et politiques. Le football exerce une pression très importante, on ne soutient qu’un club et cela jusqu’à la fin de sa vie. La rivalité entre les clubs est si ancrée, qu’elle donne parfois lieu à des affrontements surréalistes, sur et en dehors du terrain Pour la majorité des joueurs, revenir jouer dans leur club formateur est quasi-inévitable, à l’image d’un Aguero qui souhaite finir sa carrière au pays.
C’est donc dans ce contexte, que le jeune Diego rejoint le club de Boca Juniors, sûrement le club qui suscite le plus de ferveur, avec son rival River Plate. À seulement 21 ans, Maradona va déchainer la Bombonera (l’antre de Boca), avec des prouesses techniques et des buts à n’en plus finir. Il devient champion d’Argentine, en marquant contre le rival historique River Plate, et devient définitivement le chouchou des supporters. Au bout de 2 saisons, Diego quitte l’Amérique du Sud, pour rejoindre l’Europe, où il va marquer le monde.
En 1982, Maradona rejoint le FC Barcelone, son épopée espagnole ne sera pas la plus glorieuse de son histoire, malgré des bonnes prestations. On retiendra surtout sa blessure, après un tacle de Goikoetxea, lors d’un Bilbao-Barcelone ainsi que les retrouvailles entre les deux antagonistes. Lors d’une finale de Coupe du Roi, Maradona retrouve celui qui lui a brisé la cheville un an plus tôt. Véritable cible, l’Argentin se fait découper sur des tacles assassins pendant près d’une heure. Jusqu’au coup de sang, où Diego déclenche une bagarre générale sur le terrain, menant à une émeute qui choque l’Espagne, les médias et surtout le Roi d’Espagne, alors présent ce jour-là. Le divorce acté, entre le joueur et son club, Maradona va quitter la Catalogne pour rejoindre le Sud de l’Italie.
Si San Gennaro veille sur Naples, depuis toujours, c’est pendant 6 saisons que Maradona va veiller sur la cité napolitaine. Son arrivée déclenche l’hystérie des supporters, qui n’ont jamais vraiment connu de joueurs aussi importants, ni de Scudetto (titre de champion d’Italie). Mais avec Diego c’est chose faite, en allant gagner les deux seuls championnats de l’histoire du Napoli. De plus le Napoli va connaitre un âge d’or en remportant une Supercoupe d’Italie, une Coupe d’Italie et une Coupe de l’UEFA.
La période napolitaine, marquera la plus belle période de la carrière de Diego et un âge d’or napolitain. Mais aussi le début du déclin car en 1991, à la suite d’un contrôle positif à la cocaïne, Diego quitte l’Italie pour rejoindre Séville. Sur les terres andalouses il retrouve un certain Carlos Bilardo, qu’il a connu en tant que sélectionneur de l’Argentine, où les deux hommes ont remporté la coupe du monde 1986, et sont allés en finale de la coupe du monde 1990.
Diego comme figure sociale et politique
Qu’on l’aime ou pas, le football tient une place à part entière dans les sociétés modernes. Évidemment, il est bien souvent détourné comme instrument politique, et bien évidemment Diego ne pouvait pas y échapper. Non sélectionné en 1978 pour la Coupe du Monde, Maradona jouera la Coupe du Monde Junior en 1979, qu’il offrira à l’Argentine, à l’issue d’une finale remportée contre la Russie. Une coupe du monde en Argentine, qui lui donne un nouveau statut, dans un pays alors en pleine dictature militaire. Chef de la junte militaire au pouvoir, le général Videla, utilisera le titre comme objet de communion d’un peuple, alors décimé par les morts que la dictature empile.
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Sept ans plus tard Maradona va offrir la Coupe du Monde 1986 à l’Argentine. Le match référence de cette Coupe Du Monde restera aux yeux de tous l’Angleterre-Argentine. Match qui comportera la Main de Dieu, ainsi que le but du siècle. Au-delà de l’aspect sportif, le match tient une portée politique extrêmement importante. De fait, l’Argentine, sort d’une guerre des Malouines, perdue contre l’Angleterre. Enjeu nationaliste de taille pour Galtieri, général successeur de Videla. Le match tient donc en haleine tout un pays, tout un peuple. Ce dernier, jubilera, devant ce qui reste peut être la plus grande tricherie de l’histoire du sport, mais aussi devant le but du siècle qui suivra. Maradona offre une raison d’être célébré, et donne aux argentins leur revanche sur les anglais.
Néanmoins Diego n’est pas un symbole qu’en Argentine. En effet, il est considéré comme un Dieu à Naples. De tout temps le Sud de l’Italie, fût méprisé par le Nord. Aussi bien sur le plan social, que sur le plan du football, le sud est dominé par un Nord qui compte des grandes villes, comme par exemple Turin, Milan ou encore Bergame.
Les napolitains, bien souvent discriminés, voient en l’arrivée de Diego, l’arrivée d’un homme qui leur ressemble. Né dans un bidonville de la banlieue de Buenos Aires, Maradona connaît la précarité, connaît le peuple. Par ses exploits, il va donner au peuple napolitain, la joie et la fierté. La fierté de regarder en face les grands d’Italie, qui jusque là dénigraient les voisins du Vésuve. C’est en Diego, que les napolitains voient une figure d’identification, et c’est en les napolitains que Diego voit ses semblables. L’aura de Maradona à Naples est telle, que lorsque l’Argentine affronte l’Italie en demi-finales, à Naples en 1990, la majorité des napolitains soutiennent leur idole plutôt que la Squadra Azzura italienne.
Proche de Fidel Castro, le Che tatoué sur l’épaule, Maradona est politiquement proche de la gauche sud-américaine. Il n’hésite pas à exprimer un anti-américanisme notoire, en soutenant des hommes politiques comme Evo Morales ou encore Nicolas Maduro. Il ose même s’opposer publiquement à Georges.W Bush (en portant un tee-shirt traitant le président américain de criminel de guerre).
Plus récemment, il n’avait pas hésité à critiquer Donald Trump, en déclarant « Les shérifs du monde que sont ces yankees croient que parce qu’ils ont la plus grande bombe au monde ils peuvent nous diriger. Mais non, pas nous. Cette marionnette qu’ils ont comme président ne peut pas nous acheter ». Pour finir il avait pris parti pour la Palestine, au moment de bombardement de la bande Gaza en 2014. En 2018 il rencontrait notamment le président palestinien Mahmoud Abbas et avait déclaré « dans mon cœur je suis palestinien ».
Maradona a toujours cultivé l’image d’un homme proche du peuple. Et de sa volonté, il a décidé d’initier le premier syndicats de footballeurs. Désireux de ne plus voir les institutions du football imposer leur règles, Diego décide de lancer en 1995 le premier syndicat, avec l’appui d’Eric Cantona ou encore le journaliste français Didier Roustan.
Finalement
Diego Maradona a toujours fasciné, aussi bien sur qu’en dehors du terrain. Capable de soulever les foules avec ses prouesses balle aux pieds, il a aussi suscité le mépris. C’est pendant sa période barcelonaise, qu’il découvre la vie nocturne et la cocaïne. Une drogue à laquelle il sera longtemps accro et dont il ne cachera pas sa consommation. Elle lui vaudra par ailleurs sa suspension, et son départ de Naples. Ville, où il a également fréquenté les hautes sphères de la mafia. Le nom de Maradona, a été cité à de nombreuses reprises lors d’enquêtes visant la Camorra, tant les liens entre eux étaient importants. Toujours en dehors des terrains, il s’est également illustré dans les tribunes à plusieurs reprises. Par exemple, durant le match Nigeria-Argentine, Diego est tout aussi bien capable de danser avec une supportrice nigériane en tribune, que d’adresser des doigts d’honneur à ces même supporters, pour célébrer un but argentin.
Un homme d’excès, voila ce qu’était Diego Maradona. Un homme qui assume la triche, ses défauts et ses excès en tout genre. Génial par moments, pitoyable par d’autres, il est impossible de rester de marbre devant un tel personnage. Avec sa mort, le football perd surement le plus grand joueur de l’histoire. Un joueur avec le talent d’un Dieu, mais avec le comportement du plus commun des mortels.
Diego est dur à résumer, tant le personnage est complexe, mais sa mort raisonne comme la fin d’une époque. Une époque où les footballeurs, n’avaient pas peur de prendre parti, et se fichaient éperdument de faire bonne impression, à l’instar de Best ou encore de Cantona. Si certains se questionnent sur l’impact médiatique de sa mort, Billy Shankly avait une réponse toute prête « Le football ce n’est pas une question de vie ou de mort. C’est bien plus important que cela ».
Repose en paix l’artiste.
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