Jamais autant de musiques, venues d’endroits négligés, voire méprisés, n’ont été aussi accessibles. À mesure que cette expansion s’accélère, on n’a jamais eu autant besoin d’êtres humains pour filtrer, creuser et dénicher. Dans ce contexte, l’EP Prochaine Chèvre de la scène musicale lilloise a frappé dans le mille, s’imposant comme la trame sonore et distinguée du moment.
Figure de proue du mouvement trap en France, Gapman a récemment suscité l’engouement, né à partir du single “Trapalot”. Pour cause, son flow distinctif ne souffre d’aucune paresse et encore moins d’audace. Avec DaFliky et Seka, ce sont sans doute ces athlètes les plus à cheval sur la novation de ce genre où pleut, pêle-mêle, des “trap”, “cash”, “dope” tombé de nulle part.
A chaque morceau suffit sa propre histoire, sa propre ambiance. Des relations tumultueuses à la survie, si le langage cru de l’artiste évoque des sujets sombres, il est également empreint de vie et de persévérance frappant à la porte du succès. Gapman offre de son dicton, un regard franc aux écho d’espoirs d’une génération qui a de toute évidence l’eau à la bouche.
Qu’elle soit marquée par la loyauté ou la trahison, cette aspiration à la réussite attise un désir presque exclusif : celui d’accéder à l’argent facile. A raison ou à tort, ici, le matérialisme célèbre le pouvoir de l’argent comme échappatoire à une vie vulnérable. Au bout du compte, une attitude orgueilleuse, une allure opulente, qui ne sait esquiver son regard de l’importance que son statut social représente. Plus communément, la frime.
Voilà donc l’essence de la trap, tout y est. Gapman trace sa voie dans cette industrie bâtissant ses propres ponts avec un style bercé par Atlanta. Les quartiers, la drogue, une réalité à laquelle certains tentent d’échapper. La musique en guise de bouée de sauvetage et l’engrenage est finalement lancé. Entouré de producteurs tels que Binks Beatz et Ikaz Boi, Prochaine Chèvre projette un rappeur qui émerge, se fait remarquer, mais surtout qui excelle.
Gapman prospère parmi ces vrais faux spécialistes de musique qui diffusent leurs coups de cœur d’Instagram à Twitter. Le grain de sable affolant l’algorithme autant que l’auditeur, c’est lui. Et pourtant, on ne peut que l’imaginer d’un air indifférent du genre à raconter : “C’était la musique et rien d’autre. C’était ça ou le piège”.
Prochaine Chèvre, disponible sur toute les plateformes depuis le 30 juin 2023.