Un homme sur les pistes de danse, derrière les platines, les tables de mixage, et tout ça avec ses gens. On a rencontré KoyzBeatz au studio Blaxound dans le cadre d’une interview. C’est à cette occasion qu’il nous en raconte plus sur son parcours peu orthodoxe, lui qui a produit pour Da$h, Zola ou encore Oldpee.
C’est en accumulant les expériences que l’on devient un meilleur artiste. C’est ce que KoyzBeatz va nous prouver dans cette interview puisque ses secteurs d’activités se comptent sur tous les doigts de la main. On a pu creuser un peu plus ses ambitions et plus que tout, sa fierté de représenter le 78.
Tu fais beaucoup d’activités : tu mixes, tu fais des prods, tu danses, tu fais du mannequinat. Comment tu te définirais ?
Je me définirai comme un hybride un peu. Je suis un gars qui aime toucher plusieurs choses, mais toutes ont du sens. Elles sont très liées. La danse, la musique… c’est de l’art tu vois ? Après, tout ça est venu graduellement. Ça a commencé par la danse, après il y eu le mannequinat, la musique. Maintenant tout se passe bien mais ça a été un bonne guerre pour arriver jusqu’ici.
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Comment as-tu commencé la danse ?
Je viens du 78, à côté de Trappes dans le quartier des Prés. C’est un quartier où tout le monde s’instruit comme il peut. Tu ne verras jamais de conférence, ou d’organisation des sorties pour le quartier. Au final, il y a certains qui sont hypers calés sur les States, d’autres sur le rap à l’ancienne, d’autres sur la cuisine… Il s’avère que moi je suis tombé dans la danse grâce à mon grand frère, qui lui aussi est danseur. Je le remercierai toute ma vie puisque c’est grâce à lui que je danse aujourd’hui.
J’ai commencé vers mes 11 ans sur du Michael Jackson, comme tout le monde *rires*. Mes premières expériences professionnelles étaient vers 2011, quand j’ai commencé à faire des scènes ouvertes dans différents quartiers, différentes MJC. Par la suite, c’est allé archi vite parce que j’avais la dalle. Ça s’est donc enchaîné avec Canal J, Disney Channel. J’avais l’habitude de danser chez moi au rez-de-chaussée, donc tous les petits venaient voir à ma fenêtre ce que je faisais, comme un cinéma. Ça m’a grave motivé, en plus de ma famille et du reste de mon entourage. On n’est pas énormément aux Prés, mais on fait très peur dans le sens où la plupart des gens réussissent, que ce soit moi, Holladaze avec qui je travaille au studio Blaxound, Joska qui est un beatmaker, Darko mon ami rappeur qui passe sur BET, Outrage production…
C’est la danse qui t’a emmené au mannequinat?
Exactement. Ça s’est fait au fur et à mesure que ma danse passait dans les médias. Je passais sur Canal J, Disney Channel, France Ô quand j’avais 12-13 ans. Après j’ai commencé à faire des battles à Paname, comme Juste Debout. J’ai continué, et le mannequinat est lié avec la danse parce qu’on demandait plus de danseurs dans les pubs. C’est plus attractif. Ça s’est fait ensemble.
Et donc, comment as-tu commencé la musique ?
Je m’en souviendrai toujours de cette année. C’était en 2015. Mon grand frère, encore une fois, fait une Battle dans une boîte de nuit et invite pleins de danseurs. Et moi, par hasard comme tous les enfants qui jouaient à Miniclip ou jeux.fr, je jouais à FL studio. Je voyais des petites meufs qui bougent et à force de cliquer sur les boutons, je me forme. Un moment, je prends « Mercy » de Kanye West sur le logiciel sans que mon frère ne le sache, et Diablo du Genesis Crew danse dessus. J’ai commencé à tracer ensuite. Mais arrivé à Paris, j’ai fait un retour aux sources. Je ne voulais pas de conseils de gens que je ne connaissais pas. Je suis très entier, donc pour moi c’est important de savoir avec qui je traine. C’est là que j’ai rencontré Holla, le studio Blaxound, Mams aussi, qui travaillait avec 45 scientific. Tout s’est ensuite mélangé. J’ai pu travailler avec Asics et Citadium sur la danse, Nike pour la musique, disque de platine avec Zola… Toujours avec le 78.
T’es toujours avec les mêmes gars ?
Je suis toujours avec les mêmes gars. Après, pour aller chercher son pain, il faut venir sur Paris. On va dire que la mairie ne nous aide pas tellement, donc on fait comme on peut et on va chercher nos plaves à Paris. C’est comme ça aussi que je me suis ouvert aussi. À partir de 12 ans, mon frère m’a lâché à Paris et j’ai pu faire la rencontre de Captaine Roshi, de Zola par exemple. On était juste potes, personne ne faisait de rap, mais les énergies ont fait qu’à un moment, ils sont devenus ce qu’ils sont devenus. Il faut prendre le train au bon moment.
T’as une journée type ?
J’essaie d’avoir des journées types dans le sens où je ne fais qu’une chose. Par exemple, le lundi c’est danse, mardi c’est studio, mercredi c’est famille. J’essaie d’avoir un programme, parfois ça se mélange et tant mieux tu vois. Je suis loin d’être le seul qui fait plusieurs choses professionnellement. Offset dansait pour Whitney Houston à l’ancienne, Kaaris faisait du break, Booba aussi. C’est de l’art, les choses sont liées.
Qu’est-ce que tu penses de la représentation des beatmakers ?
Je pense qu’on est de mieux en mieux exposés. On se bat pour avoir ce qu’on veut avoir, et au final ce n’est pas plus mal parce qu’on voit ceux qui en ont vraiment envie et les gens qui lâchent. Il faut aussi savoir s’auto-manager, tout ne te tombe pas dans les mains. Au début c’était pareil pour les rappeurs, il n’y avait pas de reconnaissance par rapport aux vedettes d’avant.
Se mettre sur le devant de la scène comme des beatmakers américains, c’est quelque chose
T’as sorti une compilation en 2021, t’as kiffé faire ça ?
Trop. C’est pas tous les beatmakers qui font des compilations. Comme tu l’as évoqué, le fait de se mettre sur le devant de la scène comme des beatmakers américains, c’est quelque chose. En plus, le fait d’avoir Da$h, qui a déjà rappé avec ASAP Rocky, ça représente un big step parce que c’est mon rappeur préféré.
Comment tu l’as rencontré ?
J’étais au showcase de VVES, un rappeur du 93 que je s/o fort. Je vais le voir pour le soutenir parce qu’on a deja fait un morceau ensemble qui allait venir avant qu’il ne signe chez REC. 118. Ce morceau est d’ailleurs la raison de sa signature, ça me touche beaucoup. Le concert terminé, je sors et en voyant Da$h, je vais vers lui comme si ça faisait 30 ans qu’on se connaissait. Il aurait pu me repousser, mais il a bien répondu, on s’est checké et j’ai pu rencontrer son manager. J’ai ensuite pu aller à l’un de ses lives qu’il faisait juste après VVES. On a pu échanger, aller au studio, et puis comme j’étais en pleine préparation de ma compilation, il était super chaud de poser dessus. C’était carrément dans l’ancien home studio de D3UTCH. Le travail paye.
Tu te vois faire quelque chose de l’envergure de Metro Boomin comme avec son album ? Ou toujours comme lui, un projet collaboratif avec un artiste ?
Grave. Je n’y avais pas pensé mais je préférerais avec deux rappeurs même. Il a pu faire ça sur Without Warning avec 21 Savage et Offset. Je me vois bien faire des trucs comme ça, parce que j’adore les featurings. J’ai grandi avec les mégas mixes sur YouTube de Busta Rhymes, Mary J Blige, DMX, Ludacris, Missy Elliott, Lil Kim sur un seul son. Je trouvais ça incroyable d’avoir autant de styles différents. J’ai des featurings de rêve, que je kifferais produire dans le rap français. Le premier, ce serait ZEU avec Osirus Jack, ce serait une gifle ténébreuse. J’aimerais beaucoup faire du son avec des canadiens aussi.
Comment t’abordes une prod ? Est-ce que tu penses à quelqu’un, ou tu laisses couler ?
Quand je commence une instrumentale tout seul, je suis libre. Après j’ai des influences diverses, mais je me laisse aller de manière générale. Ma libre-pensée fait mes prods. Quand je produis pour un artiste, déjà je déteste envoyer par mail. Pour moi, c’est mieux de se voir pour définir la direction dans laquelle aller. Ça permet d’avoir une meilleure symbiose du son. Quand le producteur et le rappeur ne sont pas ensemble en studio, ça s’entend.
À qui tu t’identifies le plus en tant qu’artiste ?
Je ne suis pas trop les rappeurs dans le spotlight. Je préfère les rappeurs de niche, parce que ce sont eux les stars de demain. À force de grandir, je n’ai plus ce truc qui me dit de faire comme ce rappeur, ou comme ce producteur. Je suis en mode 78. Je préfère rester sur terre. Je suis très inspiré d’où je viens. Mais pour te dire, les producteurs que j’aime le plus en ce moment sont Cash Cobain et Redda. Mais je ne me compare jamais parce qu’on a tous des vies différentes au final.
Tu ferais une compilation 78 de grande ampleur ?
Ma compilation de 2017 est 100% 78. Mais faire un énorme projet serait compliqué malgré le fait que ça soit le rêve de tout producteur du 78. C’est grand de fou, on est entre Mantes-la-Jolie et saint Quentin, et rassembler autant de monde est compliqué. Jul l’a fait, mais il a attendu d’être tout en haut pour que tous les artistes y croient. Tout de même, ici on a des petits rappeurs qui giflent des plus grands. On a grandi dans le flow et la technicité. On est grandement inspirés par des niches bien distinctes comme j’ai dit précédemment. Plus c’est niché, plus on se voit dedans.