Il fait parti de nos 10 artistes à suivre en 2024. Sean dévoile en cette fin mars sa mixtape “Où est passé Zeudog ?” Un 12 titres ambitieux à l’aura musicale affirmée. “À écouter de A à Z”.
Sean, 25 ans, radical et ambitieux. Il en faut plus pour dresser le portrait du jeune artiste, mais ces deux traits de personnalités donnent un avant-goût de la musique du parisien. Le natif du 20ème arrondissement peint depuis 2019 les contours d’une carrière hybride, au rythme de projets éclectiques. “Enfant compliqué” qui a “failli tout niquer” (J’ai failli), Sean a développé une puissance créative que l’on retrouve lors de chacune de ses sorties.
“Le petit Zeu dog a fait son chemin, il est meilleur quand il s’isole.” – Pourquoi moi ?
Chanteur aux multiples personnalités, Sean n’a “pas peur de prendre son temps”. Loin de la surproductivité imposée par les plateformes musicales et réseaux sociaux, l’enfant de la capitale a mis près de deux ans pour sortir “Où est passé Zeudog”. Avec ce nouveau 12 titres, Sean livre une mixtape compacte à l’aura personnelle. En abordant des sujets tels que l’amour, le sexe, la famille, l’échec ou la violence, Sean trace un morceau de carrière unique.
Amour perdu, Zeudog déchu
Si Sean donne à son projet un écho universel, que ses fans soient rassurés. Ce qui fait le sel de sa musique depuis la sortie de son premier projet “Mercutio” demeure d’actualité. Son acuité sonore reste de mise et les expérimentations musicales continuent d’échelonner cette nouvelle mixtape. Dans “Où est passé Zeudog”, Sean se livre une fois de plus à coeur ouvert. Celui qui dit avoir perdu “six de ses sept vies” (Arrête de pleurer), avoue lui-même parler “des anciens moi que j’ai corrigé pour essayer de devenir une meilleure personne.” Au fil des morceaux, l’auditeur comprend que le chanteur narre l’histoire d’un amour déchu, suite à une infidélité.
“J’ai pas eu le cardio pour te love assez. J’ai tout niqué pour une vieille go.” – Les oiseaux tombent du ciel
Jeune homme meurtri, on comprend alors l’une des raisons de l’absence de “Zeudog”. Il le dit lui-même, pour oublier la souffrance de cet amour envolé, il décide d’enfumer son cerveau. Avec ou sans délicatesse, Sean à l’écriture simple et crue, efface son alter Zeudog, comme il laisse sa “Zeudogita” le quitter définitivement. Se regardant dans le miroir, Sean livre plusieurs morceaux d’égo trip parfaitement ficelés, auxquels l’oreille de l’auditeur reste accrochée grâce à un storytelling poignant. Sur un air de piano aérien, Sean laisse exploser sa mélancolie dans J’ai failli. En pleine ascension, la mélodie crescendo accompagne la colère de Sean qui semble tourner en rond, enfermé dans son mal-être.
Touchant, Sean raconte ses peines avec simplicité, donnant à ses textes un intérêt collectif. Accessible, l’écho du message porté dans la seconde partie du projet fonctionne alors d’autant plus. Contemplant son quotidien morose, après Souviens-toi, Sean décide d’entamer une reconnexion avec le monde qui l’entoure.
L’héritage de la French Touch
“J’aimerais dire que j’suis vraiment, vraiment, vraiment, vraiment désolé”. (Souviens-toi). Pour conclure le 6e morceau, à la moitié du projet, Sean admet son infidélité. Pourtant on ne sait toujours pas “Où est passé Zeudog ?” Peut-être définitivement parti, tant les textes à venir sont différents des précédents. Dans un élan de révolte, Sean renaît. Nique un facho, Feuille Shit Clope, Lève ton doigt et Les Filles offrent à l’artiste une liberté d’expression aussi rafraîchissante que naturelle. Totale rupture avec les 6 précédents morceaux ? Absolument pas. Depuis le début du projet, Sean et les producteurs qui élaborent la mixtape (Clément Caritg, Matae, Simon-Gaspard, Francis Gros, Mayeul Giraud, 6RAW, Sutus, Majeur-Mineur, Jersey, RAF, Kwete, Koboi, Louis Lemahec, Plyel, Jeune observateur, Flavien Compagnon, Elie Eyraud) puisent leur inspiration dans un courant musical, donnant au projet sa teinte unique.
“Chanteur français comme les Daft Punk” – Arrête de pleurer
Lors des décennies 90’ et 2000’, une partie de la jeunesse française s’emparent des platines et chamboulent les codes musicaux établis, pour faire naître ce qui est désormais communément nommé French Touch. Et si Sean part puiser des inspirations dans cet élan révolutionnaire, ce n’est pas un hasard. Lors de chacun de ses projets, Sean à toujours pris soin d’élaborer un univers visuel signifiant. Minimaliste, orienté autour des couleurs blanches et noires, “Où est passé Zeudog?” rappelle l’imagerie de Justice. Absolue , ma démarche du chanteur et de ses équipes l’est aussi grâce à son homogénéité musicale. “On a pu aller tirer chez Air ou même Justice. Air pour leur utilisation de synthé et d’une ambiance organique.” Aucun featuring n’est d’ailleurs présent sur le projet. Une manière de laisser le champ libre à son univers personnel, et ne pas brouiller les pistes de compréhension de l’auditeur. Déroutant par moment, Sean parvient à créer des respirations à l’aide d’un piano lancinant revenant sur plusieurs morceaux.
À la manière des raves de l’époque, Sean n’impose pas de limites à sa musique. Enfoui entre les claviers et samplers, il parvient à créer des sonorités hybrides entre basse électrique et synthé. Sur Feuille shit clope, l’écriture colle aux pulsations du morceaux, renforçant ce sentiment organique. Sean revendique “d’autres influences hors France, comme Massive Attack ou Portishead avec un truc un peu tripop. Ces inspirations nous suivent jusque dans nos décisions scéniques avec une vraie proposition visuel, scénographique et musicale avec une différence avec le son studio. On sera 4 sur scène par exemple.”
La torpeur des débuts terminée, Sean se réveille et remue ses auditeurs durant 4 sons aux paroles fédératrices.
La puissance du collectif comme seule identité
Les générations se succèdent, les noms médiocres qu’on leur associe également, Des millenials, à la génération Z, Alpha, Bêta, chacune aura révélé sa puissance créative. Les années elles aussi passent, et les discours racistes et discriminatoires s’ancrent un peu plus dans l’espace médiatique. Alors que la jeunesse actuelle fait face à un climat social rance, certains vouant un culte au repli identitaire, Sean propose un contre-pied salutaire.
Sur le visuel proposé sur la pochette de l’album, on retrouve 46 empreintes digitales, celles des personnes ayant participé à la conception du projet. Par un procédé simpliste diront certains, Sean s’efface au profit du groupe. Le tracklisting fait d’ailleurs lui aussi écho à cette quête de simplicité. Les 12 titres sont terre à terre, sans aucune volonté métaphysique apparente.
Le collectif est d’ailleurs un marqueur qui égrène l’ensemble de la mixtape. Amicales, familiales ou sociales, les relations mises en valeur sont à partager. Fédérateur, Sean l’a souvent été. Déjà sur “Restez Prince”, le chanteur apostrophe son public en leur demandant de “rester jeune”. Comprenez, la jeunesse est une période où chacun ou presque choisi la direction vers laquelle il souhaite s’orienter. Dans “Où est passé Zeudog ?”, le message est clair :
“Nique un facho”
Sean invite l’auditeur à prendre conscience lui aussi de ce qui l’entoure et de ne pas céder aux sirènes identitaires. “J’essaie de laisser une trace de ce que peut vivre un jeune à cet instant T. Je peux parler d’état d’âme mais pas que, aussi d’actualité, de relations… Dans “Restez Prince”, j’amenais mes gens à faire preuve d’humilité, à rester dans leur propre histoire sans volonté de devenir le roi du monde, tel le prince qui vit ses propres aventures. Dans “Où est passé Zeudog?” c’est beaucoup ancré dans le réel, et je parle d’un éveil que j’ai eu récemment, sur la responsabilité qu’ont les jeunes aujourd’hui face à un monde qui change”. “Si t’es endormi, réveilles toi” déclare Sean. Caricatural ou non, le chanteur combat à sa façon la normalisation du discours d’extrême droite. Être antiraciste n’est pas une tare et le jeune parisien en fait même une fierté.
Absolu et universel, “Où est passé Zeudog?” pousse Sean à se questionner sur son rôle en tant qu’homme et artiste. Évoluant avec son public, le chanteur envoie des bastos teintées par des accords de piano aériens. Hymne à l’esprit précurseur de la French Touch, Sean livre une mixtape aboutie et complète. Pour s’exporter à l’international ? “Le seul moyen pour moi, c‘est de continuer à créer une musique propre à la France et d’aller chercher ici pour apporter quelque chose à la musique internationale. Ça sert à rien d’aller vendre des hot-dogs à NYC, c’est plus intéressant de ramener des croissants ou des pains au chocolat.”
Peace, Dog Bless God Bless.