Nous sommes en novembre 1993. Au début de cette année, Bill Clinton devenait président des États Unis et Jurassic Park envahissait les cinémas. C’est aussi l’année choisie par un petit groupe de Staten Island pour dévoiler un album qui secouera l’écosystème rap de l’époque.
Eux, les oubliés issus du « Forgotten Borough »de Staten Island, séparé de la Grosse Pomme par la Baie de New York, ont décidé de faire entendre leur voix. Voici pourquoi à ce jour, Enter the Wu Tang (36 Chambers) figure sans aucun doute parmi les 10 meilleurs albums rap de l’histoire.
Les 9 Fantastiques
À moins de 4000 km de Los Angeles, RZA, GZA, Ol’ Dirty Bastard, Method Man, U-God, Inspectah Deck, Ghostface Killah, Masta Killa et Raekwon, décident d’apporter un nouveau son au berceau du rap. Ils passent alors des cages d’escaliers au studio pour prendre d’assaut la scène rap du début des années 90.
Pour le clan, pas d’allée ensoleillée ni de « lowriders » , chose qui tranche avec la G Funk de la West Coast, avec The Chronic sorti quelques temps plus tôt (1992) et qui a le vent en poupe. On est aussi bien loin des velléités de Bad Boy Records qui explosera quelques années plus tard. Wu-Tang est friand d’un rap hardcore, imagé et percutant. Chacun des MC possède sa personnalité et ses caractéristiques, du look et la voix enrouée d’Ol Dirty Bastard en passant par la fluidité et la rythmique d’Inspectah Deck. Le tout est sublimé par des sampling intéressants, issus du cerveau du producteur visionnaire qui n’est autre que RZA . Il est l’instigateur de ce collectif et de cet album. En véritable chef d’orchestre, il dirige les opérations et fait briller ses acolytes MC.
Tout cela donne force à ce disque, des envolées horrorcore de Protect Ya Neck (son qui ne contient pas de refrain) en passant par l’envoutement créé par la loop de Can It All Be So Simple.
C.R.E.A.M
Si cet album était un séisme, le morceau CREAM (Cash Rules Everything Around Me) en serait l’épicentre. Le monde du rap est quasi unanime sur la qualité de ce titre.
Time Magazine a classé ce titre parmi les 100 plus grands morceaux All-Time. Idem pour Rolling Stones qui le classe parmi les « 50 Greatest Hip Hop Songs of all time ». On se retrouve durant quatre minutes plongé dans la réalité de ces jeunes des « projects » de Staten Island, évoquant leur désirs de gloire. Les rappeurs se succèdent, Raekwon, Inspectah Deck ou encore le jeune Method Man prennent le mic, et s’inscrivent dans la veine de ce qu’on appelle « hardcore hip hop ».
Wu-Tang inonde les ondes avec sa musique, ni vraiment consciente, ni vraiment dansante. Ils se démarquent par un crew de MC à la plume aiguisée et accompagné d’un producteur entêté et génial, RZA. Enter The Wu Tang ( 36 chambers) a permis au collectif de conquérir New York.
Leur hip hop hardcore deviendra une véritable marque, qui sera reprise par Mobb Deep, le duo de Queensbridge ou encore Lost Boyz.