Jean baggy, basket, crane rasé. La prose, la plume. Cette année là, Oxmo Puccino délivre Opera Puccino. Nous sommes en avril 1998 à Paris. Avant la Coupe du Monde remportée à domicile, la capitale et la France seront témoins du talent d’un de ses rejetons.
À la fin des années 90′, le rap français n’en est pas à ses premiers balbutiements, IAM est dans un fauteuil puisque l’École du Micro d’Argent est sorti un an plus tôt. Première Consultation ( 1998), premier-né de Doc Gynéco, a su rencontrer son public.
Le jeune Abdoulaye aka Oxmo Puccino voit la fin du collectif Time Bomb, qui comprenait les deux compères de Lunatic (Booba et Ali), Ill ( X-Men) ou encore Pit Baccardi. La formation francilienne est à l’origine du freestyle qui remua la scène toute entière Les bidons veulent le guidon en 1996. Des cendres de cette fin prématurée jaillira, Opera Puccino.
DJ Mars et DJ Sek, le premier membre de Time Bomb, le second, son fondateur, sont les producteurs inspirés et quasi-visionnaires qui ont concocté avec Oxmo cet album qui sera un classique.
Le style
L’album s’ouvre avec Visions de Vie et le prêche du pasteur noir du film Mississippi Burning.
»Pour naître de ma mère, j’ai pas attendu l’autre
Moi j’suis ma propre poutre, je m’soutiens seul, rien à foutre » s’exclame Puccino.
On retrouve une écriture lucide et imagée, à mi-chemin entre fiction et réalité. Une fiction quasi cinématographique, comme sur le morceau Hitman où le MC tisse le fil de l’histoire du Black Mafioso qu’il incarne.
Oxmo se démarque avec son ton posé, presque » parlé » parfois, qui prend vie grâce aux rimes.
Peu de rappeurs racontent la tristesse et la solitude comme celui que l’on nomme le Black Jacques Brel . L’enfant seul en est l’exemple. Ce morceau concentre à lui seul une bonne partie des éloges concernant le disque. Le spleen du rappeur séduit, et bien plus encore.
En tant que jeune mec de banlieue, les textes d’Oxmo Puccino sont teintés par son vécu, cette existence de jeune homme noir en France. Un titre comme Qui peut le nier raconte à merveille ces histoires, les différentes divisions qui existent au sein de notre société, qu’elles soient sociales ou ethniques. Textes intemporels qui frappent encore par leur pertinence.
Le MC est tantôt, observateur, sociologue, anthropologue quelque fois même.
Les références abondent, rimes homophones et homographes s’enchaînent avec adresse tout au long de l’album. Lino, Freeman, Akhenaton, le Rat Luciano, Pit Baccardi ou encore la chanteuse K-Reen se partagent les featurings sur cet opus.
Soixante-huit minutes, dix-huit titres plus tard, l’auditeur prend une claque. Le public et la critique sont dithyrambiques, Opera Puccino est un classique.
Temple de la renommée
La scène rap est unanime et les lauriers pleuvent sur Oxmo, qui a conquis au delà des frontières du rap. Opera Puccino est un album qui sacralisera le statut du MC. Il devra cependant attendre 2006 pour voir l’opus devenir disque d’or. Opera Puccino ne semble être imputrescible, à l’épreuve du temps et cela malgré l’évolution qu’a connu cet art.
En 2018, l’album fut réédité pour ses vingt ans: »Un artiste qui ne s’ouvre pas est un artiste qui va être remplacé. C’est pour ça que je suis encore là » déclare l’artiste. Une édition remasterisée qui remet au goût du jour ce classique.