Shoutout à toutes ces personnalités remerciées par la puissance mélodieuse de Young Thug sur Jeffery. Une mixtape exploratrice qui libère le rappeur de tout serment ou exigence musicale. Sur ce projet, il décide enfin de s’écouter profondément. Avec passion, l’artiste dirige son oeuvre comme il lui plaît.
C’est le 26 août 2016 que « Jeffery » fait son apparition sur les plateformes. Cet album agitera bien évidemment un public hip-hop, mais s’étendra jusqu’aux amateurs de pop. C’est grâce à cette ouverture musicale que l’artiste s’impose comme le nouveau « père » d’Atlanta.
Initialement « No, My Name Is Jeffery », le projet dit « mixtape » s’est finalement renommé « Jeffery ». De cette manière, Young Thug, ou Jeffery Lamar Williams, réaffirme son premier prénom. Il fait face à lui-même et à la personne qu’il représente vraiment. C’était le moment pour lui de se soumettre à sa réalité. L’avait-il aussi insinué un an auparavant, énonçant ses ambitions à venir chez la radio française Mouv’ : « peut-être que Jeffery devrait arrêter de faire Young Thug, qu’il travaille un peu plus et qu’il devienne Jeff, le rappeur ».
En se replongeant dans les moments de parution de l’album, c’est une énergie particulière qui s’en dégage. À l’image d’une madeleine de Proust, réécouter « Jeffery » nous emmène à l’âge où la Trap domine le champ musical urbain. Et où elle s’apprête à conquérir un nouveau public. Alors qu’en France, elle commence à devenir « mainstream » avec Kaaris et Booba, Young Thug en est déjà lui, à son énième projet. Pourtant, il n’est plus question de proposer un « I Came From Nothing ». L’objectif était sûrement plus pensé et visait à détrôner le célèbre « Barther 6 » faisant déjà l’unanimité.
Le projet d’une vie
Alors que Travis Scott venait de sortir Birds In The Trap Sing McKNight , le featuring « Pick Up The Phone » avec Young Thug qui se trouvait à l’intérieur avait ce grand potentiel du « hit ». Et cela n’a pas manqué. Avec une fulgurante vitesse, le morceau s’impose. Après « Mamacita » ou encore « Sky fall », ce fut le titre bouleversant les classements. Au point que les fans ne cessaient de réclamer un projet commun entre les deux rappeurs. À ce moment-là, l’East Coast se porte alors à merveille et n’a plus rien à envier à ses voisins.
Sur Jeffery, Young Thug nous offre alors une version neuve de « Pick Up The Phone », cette fois-ci avec la contribution de Quavo. Le membre des Migos est très bien accueilli, et l’alchimie, assurément présente. Alors que Young Thug est connu pour son ambivalence, il démontre dans ce projet un atout considérable. Et se révèle ainsi comme un aussi bon chanteur face à « n’importe quel artiste dans le monde de la pop ». Ce sont ici, les plus sincères paroles de Brian Duricy qui s’attelle à des analyses musicales.
Jeffery est l’accomplissement d’une vie. Collaborant avec les plus grands et enchaînant les hits, le rappeur s’est forgé un véritable « trône ». Même si les retombées commerciales n’étaient pas forcément à la hauteur de ce qu’il pouvait proposer, son talent et son inhabituelle extravagance musicale l’emmènent à l’étape supérieure. Ainsi, en signant pour le label 300 Entertainment, il tourne une page nouvelle à sa carrière.
Une tracklist d’exception
L’album commence fulgureusement par de nouvelles sonorités ensoleillées. Le clip est autant gai et lumineux, pourtant Young Thug n’y figure même pas. Avec une guitare électrique raisonnante et un rythme très marqué, l’instrumentale témoigne assurément de références Reggae. Un apport très enrichissant sur ce morceau où Thug se permet de poser avec légèreté, créant un véritable classique dans la discographie de l’artiste. Tout cela, en considération pour la personne qui porte son titre : Wyclef Jean.
De cette même manière, le rappeur s’est amusé à nommer chaque morceau par le nom d’une de ses « idoles ». Par idole on entendra surtout des « êtres très appréciés » par le rappeur. Le plus surprenant serait alors le gorille « Harambe » où désormais le nom d’un des meilleurs sons de Young Thug. Comment imager cette décision autrement que par des morceaux abordant chacune de ces personnes ? Tout simplement en commençant à s’intéresser aux paroles. Des paroles qui n’abordent en aucun cas ces différents individus. C’est seulement par certaines références « clins d’oeil » qu’il s’amusera à nous les rappeler. Comme lorsqu’il répète « Baby do the work » dans le refrain de « RiRi », un morceau au nom de Rihanna.
Là aussi, c’est la particularité des instrumentales qui créent la spécificité de ce projet. Un projet qui n’est plus un simple album de rap, mais bel est bien un album aux croisements de différents styles musicaux qui permettent de parler, chanter et rapper. Malgré les mélodies enivrantes qui composent Jeffery, on retrouve des morceaux du genre « trap ancienne » plus perfectionnés que jamais. C’était l’occasion de montrer qu’il sait non seulement faire ça, mais qu’il est aussi le seul à la maîtriser de cette manière.
L’extraterrestre d’Atlanta confirme son statut avec Floyd Mayweather où Travis Scott, Gucci Mane et Gunna l’accompagnent. Malgré tout, c’est probablement « Webbie » qui se démarque de toutes ces originalités. C’est un morceau où, le chant et le rap qui se rencontrent, concordent mélodieusement. Cette alchimie permet de créer un son mélancolique unique qui saura autant faire bouger que relâcher ses auditeurs. Sans surprise, toute collaboration avec Duke est une réussite. Pourtant l’exploit se trouve là où Young Thug réussit à faire mieux que « With That » grâce à « Weebie ». Deux créations monstres qu’il est très compliqué de départager pour certains.
Une couverture d’album qui suscite les réactions
Dans un premier temps, l’album n’a pas fait vedette pour ses morceaux, mais uniquement pour sa couverture. Sans aucun doute, la cover photographiée par Garfield Larmond est particulièrement « Sui generis ». Dessus, il porte une robe imaginée par l’italien Alessandro Trincone.
Le jeune créateur de seulement 25 à l’époque, se fait repérer lui et ses créations par VFiles, un réel incubateur de talents où Young Thug apportait son expertise comme « Mentor Models » ou « Coach Models ». Young Thug développe rapidement un réel attrait pour les créations du fidèle Alessandro.
Thug était déjà connu pour être libéré, autant dans sa musique que dans sa manière de s’habiller. Ainsi, dès qu’il aperçoit cette robe ce fut comme un « coup de foudre », il savait que c’était celle qu’il lui fallait et n’hésite pas à la porter pour Jeffery. S’affranchissant des codes vestimentaires genrés, l’artiste possède un style qui lui est propre et qu’il revendique. Dans une publicité pour Calvin Klein il s’exprime d’ailleurs : « Dans mon monde, ça n’a pas d’importance, tu peux être un gangster avec une robe ».
Avec cette nouvelle apparition en robe, l’artiste anime les médias qui qualifient son extravagance de « féminisation ». Un terme pourtant inadapté qui résulte d’une société, malheureusement encore très codifiée, et ancrée médiatiquement dans ses pensées classiques…
Non, Young Thug ne cherche pas à se « féminiser ». Justement, il ne cherche rien et laisse parler son goût accru pour le style. Prônant une mode androgyne et unisexe on remarque encore son caractère avant-gardiste. Si sur l’échiquier musical il se situait déjà en avance, c’est sociologiquement qu’il imaginait le futur. Un futur assurément idéal, où il pourrait porter une jupe et un collant sans qu’on oppose cette action à la brutalité de son style musical et de son mode de vie de « gangster ».
Un album à la frontière de la réussite et de l’échec
À l’image d’un confrère marseillais aussi surnommé « l’ovni » , l’extraterrestre d’Atlanta possède ce grain spécial qui lui permet de se démarquer sensiblement des autres en s’imposant comme « leader ». Inspiré par Lil Wayne, il a toujours été très visionnaire et libre dans son approche artistique du Rap.
Cependant, une fois que l’âge d’or est marqué, il s’avère difficile de pouvoir faire mieux. Certains ont réussi le dilemme, mais avec un rythme de sorties aussi élevé et la multiplication de ses apparitions sur les projets d’autres artistes, Young Thug a réellement fini par « dévaloriser » sa musique. Un manque net de qualité marque les albums qui ont suivi le chef-d’oeuvre qu’est « Jeffery ». Ce déclin n’est cependant formellement visible qu’à partir de 2018. Jusqu’aujourd’hui, Thug n’a jamais su ravir ses plus anciens fans et combler l’attente et le fantasme de ce qu’on appelait un véritable « retour ».
Peut-être a-t-il besoin de temps ?
2 commentaires
[…] heures à passer avec des adolescents pour les sensibiliser aux dangers liés aux gangs. Le sort de Young Thug reste lui toujours à […]
[…] heures à passer avec des adolescents pour les sensibiliser aux dangers liés aux gangs. Le sort de Young Thug reste lui toujours à […]