LVMH : le groupe rachète Off-White et se rapproche du streetwear

Voilà bientôt quatre ans que le monde du luxe tisse de puissants liens avec celui du streetwear. Le rachat de Off-White par LVMH marque une nouvelle étape vers une union que l’on ne pourrait stopper.

Presque deux ans après un le rachat du groupe New Guards, on apprend ce mardi 20 juillet que le groupe LVMH présidé par Bernard Arnault a fait l’acquisition à hauteur de 60 % de la marque Off-White, le label de Virgil Abloh. Précédemment, le groupe était connu pour le rachat des maisons Dior, Fendi, Givenchy ou plus récemment Tiffany & Co. Aujourd’hui, il semble vouloir s’attaquer à une niche en pleine expansion et éloignée de ses habitudes : le streetwear.

© Aurore Marechal/Abaca/Sipa USA

Comme on pouvait s’y attendre depuis 2017, après que Louis Vuitton ait collaboré avec Supreme, le monde du luxe fait de plus en plus la cour à celui du streetwear. Longtemps dénigré au rang de « culture pour adolescents », le streetwear, et plus généralement la street-culture, est dans le viseur des mastodontes de la mode. En témoigne bien-sûr la présence d’Abloh chez Louis Vuitton depuis 2018, mais aussi l’arrivée de Matthew M. Williams chez Givenchy l’année dernière ou encore les multiples collaborations « Luxe x Streetwear » qui se dévoilent chaque année. À ce titre, on retiendra Gucci x The North Face, Adidas x Prada ainsi que Dior x Air Jordan pour ne citer que ces trois là.

Des collaborations, des changements, mais rien de nouveau dans le fond…

LVMH assure que Abloh restera Directeur Créatif de la marque Off-White et qu’il gardera 40 % des actions de l’entreprise. Il devrait notamment continuer de travailler avec Nike et garder le contrôle des nouveaux produits Off-White. Mais c’est en coulisse que tout pourrait se jouer. On le sait, LVMH n’est pas une entreprise qui vise à satisfaire la demande du grand public. Seuls ses plus fidèles clients et potentiels futurs clients semblent compter.

Or, dans la street-culture et au sein du streetwear, c’est tout l’inverse. Cette dernière se veut accessible, ouverte et plurielle. Elle ne se renferme pas sur elle-même, tend les bras à tous les types de profils ce qui lui évite cet aspect élitiste inhérent au monde du luxe. Autrement dit, le luxe existe pour une poignée de personnes, tandis que la street-culture existe pour tout le monde. Si tout semble changer, voire « progresser » de façade, dans le fond aucun des deux partis ne change de position ou ne cherche à adopter les habitudes de l’autre.

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De ce point de vue, l’union semble éphémère, ou du moins superficielle et repose pour l’instant sur un homme. Car à l’exception de Virgil Abloh, aucun autre créateur avant lui n’avait su créer une telle connexion entre deux mondes que tout semble opposer. C’est à lui que le milieu du Rap US doit ses entrées lors des semaines de la mode, voire même sa place au coeur des maisons de couture comme en témoigne la collaboration de Dior avec Travis Scott. C’est à Abloh que l’on doit également les très nombreuses paires Nike x Off-White que les plus aisés et les moins aisés portent. La liste des succès du créateur est importante puisqu’elle prouve qu’en-dehors de ses créations sneaker et textile, il est un architecte discret mais efficace dans le monde de la mode.

… à moins que le luxe ne fusionne avec le streetwear.

Mais voilà, Abloh n’est pas un messie, ni un demi-dieu. Il ne pourra pas tout faire de lui-même. Par ailleurs, personne ne semble connaître ses intentions réelles ou son plan (si tant est qu’il a un plan). De plus, son succès n’est pas éternel et un jour viendra où quelqu’un le remplacera. Dans l’éventualité où il devrait quitter Louis Vuitton, on peut prévoir que son départ fera trembler cette union naissante entre le luxe et le streetwear. Et si tout s’arrêtait après lui ? Et si Abloh était le pont principal de cette union, qu’en adviendra-t-il une fois qu’il [le pont] ne sera plus empruntable ? Pour éviter que tout ne s’écroule le jour venu, une solution existe, elle est osée mais réalisable. Cette solution serait de fusionner le luxe à la streetculture, et d’en faire une nouvelle culture à part entière.

Pourquoi LVMH a racheté Off-White ? Il existe plusieurs réponses à cette question. Il serait pourtant sage de reconnaître que l’ambition derrière ce rachat n’a pas encore été dévoilée. Alors plutôt que l’attendre et de spéculer dessus, osons penser à l’avenir du streetwear, et plus généralement de la streetculture, maintenant que les géants du luxe veulent s’asseoir à sa table. Si la streetculture ne cherche pas à tirer son épingle du jeu, elle se fera ravaler par les entreprises de luxe qui ont compris l’intérêt d’avoir ces marques sous le coude. De l’autre côte, si le monde du luxe se laisse trop aller et finit par s’inspirer ouvertement de la streetculture, ce dernier perdra son prestige et sa légitimité à rythmer l’univers de la mode. Autrement dit, l’un peut manger l’autre, mais attention à ne pas se transformer lors de la digestion.

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C’est pourquoi, plutôt que de partir sur une conquête de la streetculture à coup de millions d’euros, il serait préférable pour le monde du luxe d’oser reconnaître son attirance pour le streetwear et d’ainsi assumer son envie de le posséder. Puis d’ouvrir un chemin commun à explorer ensemble. Nous pourrions alors envisager de voir une nouvelle culture naître, dans laquelle nous pourrions retrouver tout type de profil, issu de divers milieux sociaux et aux inspirations multiples. Elle [la nouvelle culture] serait un véritable renouveau pour la mode. Nul doute que les débuts seront complexes, qu’il faudra que chacun y trouve sa place. Mais sur le long terme, il est possible de voir un nouveau chapitre de l’histoire de la mode s’écrire. Les très nombreuses collaborations entre les deux univers sont des fragments de cette nouvelle culture. Et vous qui lisez cet article, vous avez également votre rôle à jouer.

Rêver d’une nouvelle culture n’est pas une utopie. Rêver d’une nouvelle culture c’est avant tout partir sur une nouvelle base de qualité, mais aussi et surtout, saisir le futur de ses deux mains.