C’est l’un des événements rap français de ce début d’année 2023. “Le rappeur préféré de ton rappeur préféré” signe son retour ce 10 février avec l’album “Taulier”. Toujours ambitieux, Niro revient exprimer ce qu’il a dans le ventre, tout en continuant d’élargir son répertoire musical.
Il avait remué les foules et les cœurs avec son single Papa fait le pitre en décembre dernier. Dans le désormais célèbre studio berlinois de Colors, Niro avait offert un morceau de 5 minutes sans refrain. Pari réussi pour ce morceau kické de bout en bout, tenant par le col l’auditeur. Niro sortait par la suite deux vidéos courant janvier annonçant pour le 10 février la sortie de “Taulier”, son nouvel album. Nous y sommes, Niro et ses vérités sont prêtes à éclater.
“J’entends des rumeurs sur moi, tant mieux, c’est qu’ils ont rien à dire. On peut pas leur en vouloir, jalousie, c’est une maladie. Si j’avais un peu l’temps, j’pourrais leur expliquer la vie.” – Papa fait le pitre
Parti de rien, Niro arrive à ce qu’il vise
Niro, vétéran du rap français ? Sa longévité est en tout cas à souligner. À l’heure où certains artistes francophones expérimentent des carrières express, Niro continue d’affirmer sa présence plus de 10 ans après la sortie de son premier projet solo. Lorsqu’en 2012 le rappeur sort “Paraplégique”, le newcomer semble porter sur ses épaules une bonne partie de l’héritage du rap français. De la FF à Lunatic, d’Ideal J à la Scred Connexion, en passant par les influences américaines de Busta Rhymes ou Eminem, Niro s’appuie sur un socle d’influences riches.
Ayant grandi au Maroc dans les années 1990, Niro emménage pendant sa jeunesse à Blois et entame par là même sa carrière de rappeur. La vingtaine passée, il apparaît pour la première fois en 2009 sur le quatrième volume de la mixtape “Talents fâchés” sur le titre 4 coins de la France. Signé au sein du label Street Lourd, Niro enchaîne et commence à se faire un nom. Attaché à décrire son vécu, le rappeur parvient à toucher son auditorat grâce à sa sincérité. Brut, Niro rappe à coeur ouvert depuis ses débuts. Une promesse d’authenticité qu’il a su garder toute au long de sa désormais longue carrière. Créateur de son propre label (Ambitions Music), Niro, parti de rien, est arrivé à ce qu’il visait et s’est imposé en tant que taulier.
« Nique la mala, honnêtement frérot, j’ai rien à prouver : tes groupies nous connaissent, tes grands frères me connaissent, tes gangsters me connaissent. Pariez pas sur moi, j’suis pas un cheval dopé, dix ans plus tard, j’suis dans l’carré, j’suis dans l’coupé. » – Taulier
Ce nouvel album tient ses promesses et traduit une certaine forme d’accomplissement dans la carrière de Niro. Le rappeur y catalyse diverses influences déjà explorées lors de ses deux précédents projets (« Stupéfiant » et « Sale Môme »), notamment symbolisées par la mixité du casting présent sur l’album. De ses origines marocaines avec ElGrandeToto, à son amour du kick avec Alpha Wann, en passant par le RnB Tayc, sans oublier Niska, TIG et Sofiane Pamart, Niro rassemble. Cette cohabitation se faisant la métaphore de l’évolution de sa musique, “Taulier” en étant l’expression.
Le goût d’écrire
“Poto je suis la meilleure version de moi.” – Intro
Net et précis. La première punch énoncée dans “Taulier” est claire et pose l’ambition de Niro sur cet album. Sans toutefois être arrogant, le rappeur y décide d’exposer immédiatement sa réussite : “je parle en français, mais je parle encore mieux en euros.” Issu de la galère, Niro est fier d’être millionnaire. Pour autant il ne compte pas se complaire dans des jouissances excessives ou matérialistes et garde la tonalité revancharde qu’on lui connaît. En possession de sa “vista” habituelle, Niro rappe et “Taulier” traduit une fois encore l’importance que porte l’artiste à l’écriture. Qu ce soit sur « On roule » ou « Heureusement », le rappeur n’a rien perdu de son éloquence. Les morceaux passent, Niro déroule son fil conducteur et les joies du succès cohabitent avec les démons d’un homme parfois seul, condamné lui aussi à se faire pardonner ses fautes.
“J’ai dû graille tout c’qui est existant, vivre comme dans l’Attaque des Titans. J’remplis des salles de concert mais frère, au fond j’me sens seul.” – Parti de Rien
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“Taulier” : tableau d’un Niro polyvalent
Niro a pris le temps. Plus de deux années après la sortie de “Sale Môme” (2021), certains le pensaient émoussé. Niro s’était vu reprocher une écriture parfois brute, sans concessions. Cru, “Taulier” l’est parfois, mais si ce 10e album excelle, c’est parce qu’il laisse la place à un Niro plus nuancé dans sa musique. Enfant du rap, le marocain n’a jamais caché la diversité de ses influences. Consistant, “Taulier” est un tableau qui mélange avec soin l’ensemble de ces couleurs. D’un rouge primaire et ambitieux, l’album tend progressivement vers un mélange de jaune ensoleillé (Khoya) à un bleu émotionnel pour laisser place à une outro touchante (Papa fait le pitre).
Projet polyvalent, “Taulier” est un condensé de la carrière de l’artiste. Le track Parti de rien en est la parfaite traduction. En featuring avec Tayc, le rappeur explore certaines tonalités afro tout en rendant hommage à l’historique Scred Connexion et leur désormais célèbre punchline “partis de rien, on arrive à ce qu’on vise.” “Taulier” est en cela probablement l’un des meilleurs projets de Niro. Le rappeur y parvient à réunir ses différentes influences, dressant ainsi un tableau plus large que celui de sa musique. Niro a peint Niro.
“Je fais plus du rap, je fais du Niro.”