Si le métier de photographe à récemment retrouvé quelques unes de ses lettres de noblesse, la route semble encore longue pour les jeunes talents. Trop souvent oubliés, Trente Trois Degrés met en lumière ce métier aux multiples facettes en dressant le portrait de Margaux Anquez. Focus.
Retour en 2021 à Antibes. Jour de shooting pour Margaux. Une fois la porte du studio franchie, un bruit répétitif se fait entendre derrière un fond blanc. Clic, clic. Margaux réalise les derniers réglages de son objectif. Le shooting durera quelques heures, entremêlés de discussions inspirées sur son parcours.
Native du sud de la France, Margaux, 20 ans, a décidé de venir à Paris pour intégrer l’école 3IS dans une formation en audiovisuel. La photographie est en tout évidence sa passion.
“J’aime l’art, je peins, je prends des photos, mais c’est un milieu qui m’a attirée parce que je me suis laissée guider par ce qui me fait vibrer, par la flamme qu’il y a en moi. La photographie est comme un échappatoire.”
Paradoxalement sombres et colorées, les photos de Margaux expriment des émotions, des instants précis “Ce que je veux exprimer à travers mon art, c’est la personnalité de l’artiste, l’intensité et les vibes d’un concert ou d’un clip, l’émotion d’un son, la beauté d’un moment, les couleurs sur scène. J’aime toujours chercher des renseignements sur l’artiste avant un shooting, ce qu’il aime, qui il est. Je cherche toujours à retranscrire l’énergie qu’il dégage. Si on montre deux photos, on va tout de suite voir celle où il y a de l’énergie et celle où il n’y en a pas”. Margaux aime le paradoxe sombre et coloré de ses photos, c’est pour elle un moyen d’exprimer sa direction artistique, ses expériences, qui elle est.
Mais pourquoi le milieu du rap ? “Ce que j’aime dans le rap, c’est la diversité. Chaque artiste possède sa propre DA, c’est un domaine où il y a du taff pour tout le monde, tous les âges. Ce que j’aime par-dessus tout, c’est la découverte de jeunes artistes. À titre personnel, c’est mon genre musical préféré, ça m’attire. Par exemple, j’ai été photographe pour des agences de mannequins et je n’ai pas trouvé que c’était un milieu où je pouvais autant m’exprimer que dans le monde du rap français.”
Une fois le shooting terminé, le travail de Margaux n’en est qu’à ses balbutiements. Débute un travail d’édition minutieux afin de rendre compte de la direction artistique souhaitée. “Je trouve qu’il y a un manque d’intérêt pour les dessous du métier. Avant de se lancer, il faut intégrer le fait qu’il n’y a pas que l’action de prendre la photo, il y aussi la post prod.
Des termes comme l’étalonnage sont méconnus alors que pour moi, c’est justement là où tu peux montrer ta créativité. »
Margaux passe parfois jusqu’à quatre, voir cinq heures sur les retouches d’une photo avant d’être satisfaite de son travail.
« J’ai aussi l’impression que de nos jours, quand les gens voient une photo d’un artiste ils vont s’arrêter que sur l’artiste, on ne va pas chercher à reconnaître le talent du photographe qui est derrière. J’appelle ça la génération fast food, les gens consomment l’information et passent direct à autre chose sans s’arrêter sur l’envers du décor.”
Le rap français est un milieu en plein essor. Si sa démocratisation tient son lot d’avantages pour les artistes, l’écosystème du rap français est réputé concurrentiel. “Même si j’aime le fait que ça soit un métier hyper accessible qui me fait vibrer et où tout le monde peut trouver du boulot, il y a quand même de la concurrence à prendre en compte. Trouver sa place et avoir confiance en son talent est hyper important. Il faut aussi être capable de ne pas se laisser marcher dessus par des personnes ou par des entreprises qui ne veulent pas te payer après la prestation ou qui ne remplissent pas leur part du contrat. Il y a beaucoup de gens biens dans le milieu, l’entraide entre photographes est réelle, il faut toujours croire en son talent et ne se laisser dérouter par personne.”
Jouer des coudes, Margaux sait faire. Cependant, ‘e rap milieu encore peu réglementé, peut parfois entraîner son lot de déceptions.
“Sans mentir, c’est un milieu qui parle business. J’ai même parfois eu à faire face à de la misogynie. Dans ces cas-là, il faut apprendre à se respecter soi-même et dire non. C’est un métier parfois éprouvant et difficile physiquement, j’ai déjà failli me faire écrabouiller dans la foule en plein concert. Je trouve aussi que c’est important de savoir doser entre travail et vie perso parce qu’un burn out est vite arrivé, c’est comme ça partout et c’est bien de le rappeler.”
Pour tous les futurs photographes qui nous lisent, on a demandé à Margaux ses meilleurs conseils pour se faire une place dans l’industrie. “Il faut avoir la détermination, c’est un métier d’art qui demande énormément de culot. Il faut se lancer et tenter tout ce qu’on peut, faut charbonner pour avoir ce qu’on veut, toujours montrer que t’es là. Par exemple, pour être photographe en concert et être accrédité, il faut envoyer son portfolio aux boîtes de production des festivals/concerts. Il faut aller chercher les contrats, toujours chercher à évoluer et à peaufiner sa griffe. Moi par exemple, je pense pas encore être à mon maximum, parce que c’est un monde qui évolue toujours. Je cherche toujours à me dépasser. Je suis fière de tout le travail que j’ai pu faire, je n’oublie pas d’où je viens et je cherche toujours à faire mieux.”
Si vous souhaitez retrouver le travail de Margaux : @margauxaqz.