À l’occasion de la sortie de son nouvel EP « Amour Noir Saison 02 », nous avons rencontré Still Fresh pour une interview dans les locaux de BMG Music.
Dire que Still Fresh est dans l’ombre du Rap FR ne revient pas à dire qu’il est inexistant ou inconnu, bien au contraire. Comme l’a dit Martin Luther King : »Tout ce que nous voyons n’est qu’une ombre projetée par les choses que nous ne voyons pas ». Ainsi, placer Still Fresh dans l’ombre du Rap FR en titre de cette interview, c’est avant tout lui donner une place que peu de rappeur ont aujourd’hui, celle de l’aîné d’une nouvelle génération d’artistes qui oublie parfois ceux qui l’ont précédé, et qui ont fait du rap ce qu’il est aujourd’hui.
Si tu devais te présenter à un total inconnu que dirais-tu de toi ?
Je me présenterais comme un artiste originaire de Paris qui cherche à transmettre des émotions à travers ses oeuvres musicales. Je parle notamment des relations amoureuses/amicales d’un point de vue « réaliste ». J’essaye d’équilibrer entre le négatif et le positif dans une relation. Elles ne sont ni parfaites, ni totalement imparfaites. Je suis très porté sur le relationnel, la sociologie ou les études comportementales en société.
Que cherchais-tu en te lançant dans la musique ?
Je me suis lancé dans la musique à l’âge de 13 ans. Mon plus grand plaisir était de faire du son. Je ne visais pas le succès et je ne cherchais pas à me faire connaître. Faire de la musique me permet surtout de m’exprimer. Mon nom de scène, Still Fresh, en découle. Lorsque je m’exprime, Still Fresh existe.
Voilà maintenant 11 ans que tu as lancé ta carrière musicale. En 2011, tu sortais ton premier album « Mes rêves ». Qu’est-ce qui a le plus évolué pour toi ?
J’ai grandi. Ma vie sociale, professionnelle et relationnelle a tourné autour de ma carrière. J’ai beaucoup appris, et donc mûri. Je suis entouré de personnes plus âgées que moi depuis le début. C’est très intéressant d’être entouré d’aînés. J’étais souvent le plus jeune et les conseils que je recevais m’ont été d’une aide précieuse. Ils m’ont ouvert l’esprit sur des situations que j’aurais dû vivre pour les comprendre. J’en ressors enrichi personnellement.
« L’avénement des réseaux et de plateformes a créé une facilité et une tonalité qui n’existaient pas avant. »
Quels changement as-tu le plus remarqué dans la musique depuis 2011 ?
C’est plus la crise (rires). Des années 70′ à 2000, tu pouvais vendre des millions d’albums, jouer ta musique un peu partout et te faire connaître dans le monde entier grâce à tes apparitions. Et c’était possible car il fallait obligatoirement acheter ta musique. Le piratage n’était pas répandu et le public faisait l’effort d’aller en boutique acheter les albums « dans les bacs ! ». Puis, lorsque Internet est arrivé, la crise a commencé. Le téléchargement d’album a fait chuter fortement les revenus des artistes, maisons de disque et labels. Les ventes de CD s’effondrent et le chiffre d’affaire aussi. Tout le monde était touché, même les plus grands artistes.
Puis les réseaux sociaux sont arrivés, notamment YouTube qui a réduit les distances entre le public et les artistes. Tout d’un coup, tu pouvais avoir un retour immédiat sur ce que tu faisais, et on pouvait à nouveau partager la musique. Aujourd’hui tout va encore plus vite. Je peux faire un son maintenant, et le sortir dans la foulée. On n’est plus obligé de passer par les maisons de disque ou radio pour être écouté. L’avénement des réseaux et de plateformes a créé une facilité et une tonalité qui n’existaient pas avant. Ça explique pourquoi il y a tant de monde qui se lance dans la musique aujourd’hui.
Entre Hip-hop/Rap & RnB, tu te sens plus proche de quel genre musical ?
De base, je suis à fond dans le rap, mais j’ai toujours eu des notes de mélodies. Je me rappelle de ma soeur qui passait du zouk sur la chaîne Hi-Fi à la maison. Ma culture du rap est assez large. J’ai commencé par ce genre musical car c’était celui que j’aimais le plus mais aussi le plus simple. Puis avec l’avénement de l’auto-tune, j’ai pu ouvrir mon champ musical. En soi, je n’ai pas vraiment de camp. Je me définis comme appartenant un peu aux deux. Toutefois, je garde ce comportement de rappeur de ne pas faire dans la langue de bois, de dire ce que je pense et de ne pas me cacher pour plaire à telle ou telle personne ou radio. Je ne fais pas de concession.

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Ta musique est pour celles et ceux qui brisent des coeurs, ou plutôt pour les coeurs brisés ?
Elle est faite pour les deux. Pour qu’on puisse se comprendre les uns et les autres, j’essaye de parler pour tout le monde. On m’a déjà dit que je mettais des mots sur des émotions que certains n’arrivaient pas à exprimer. Quand j’entends ça, je me dis que mon travail est bien fait, que j’ai apporté quelque chose. Si je permets à mon public d’avoir des réflexions sur leur émotions, on a tout gagné.
Une artiste avec qui tu aimerais faire (ou refaire) un featuring ?
J’aimerais beaucoup faire un featuring avec Zao. Elle m’a beaucoup inspiré avec son premier album « Dima ». La première écoute m’a mis une baffe. Elle arrive bien à mélanger le rythme et l’émotion, chose sur laquelle je suis beaucoup porté.
Tu as sorti un projet avec S.Pri.Noir, quelle place a-t-il joué dans ton parcours musical ?
Il m’a aidé à me peaufiner. On est tous les deux des artistes solos et l’expérience du travail en commun était enrichissante. On a fait parti des premiers rappeurs français à sortir un projet en commun. On sentait que l’on apportait quelque chose de nouveau. Sinon je pourrais bien refaire un projet commun ou un featuring avec un(e) artiste s’il y a un bon feeling, une alchimie.
Tu as appelé ton projet « Amour Noir », c’est comme ça que tu vois l’amour ?
Il y a certains moment où l’amour est noir, où il blesse. Mais il n’est pas que noir. Si j’ai appelé ce projet « Amour Noir » c’est parce que je voulais rapprocher ces deux mots qui semblent tant éloignés l’un de l’autre. L’amour est beau, mais rajouter l’adjectif « noir » c’est lui enlever son piédestal. Ainsi, je peux parler de toutes les émotions, sans mentir ou enjoliver sur ce qu’est l’Amour.

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Avec Por Favor, tu signes clairement l’un des titres de l’été. Quelle est la recette pour le titre de l’été qui te ferait danser toi ?
Avoir de bonnes paroles. Ça paraît évident mais il ne faut pas mettre des paroles sombres dans ton titre. Je ne pense pas qu’il y ai de secret sinon, au mieux, une recette. Je vois la musique comme un Être humain. Tu changes de caractères, d’avis et d’émotion. Il faut donner envie de penser à autre chose, travailler l’évasion. Quand tu danses l’été, tu ne veux pas écouter les lyrics, mais te laisser porter par une mélodie et/ou un rythme.
Quelle est la différence entre le Still Fresh de Si t’es mon Poto et Sans regrets ?
Je suis toujours resté le même, avec la même équipe : La nouvelle école. Les producteurs sont Xav et Mo Black. Il y a David et Dixon qui gèrent le son aussi, et enfin S. Pri Noir.
Tu te souhaites quoi pour l’avenir ?
De toujours aimer ce que je fais, c’est le plus important. De ne pas me laisser emporter par ce qui entoure la musique. Il arrive que l’extra-musical prenne la pas sur la musique. C’est en restant concentré sur mes objectifs que j’évite de me perdre. Rester moi-même, garder la tête sur les épaules et ne pas courir après la « fame », ce sont mes objectifs. Je veux continuer à faire de la musique, m’exprimer et être compris. Le reste, c’est un plus.
Que souhaites-tu pour le rap plus tard ?
Qu’il ait toujours autant d’ouverture d’esprit. Le Rap FR est très ouvert actuellement. J’aimerais qu’il continue d’exister et qu’il reste franc, honnête et courageux. Le rap est le dernier genre musical qui ose dénoncer les inégalités, l’injustice et qui prend position pour ceux que l’on oublie. Il faut qu’il continue ainsi et qu’il ne se fasse pas manger par les opportunistes, qu’ils soient dans les médias ou dans des grosses entreprises. Pas de politiquement correcte, juste la vérité.
Ton moment à 33° ?
Je n’en ai pas un en particulier, mais plusieurs. Par exemple, quand j’étais au lycée et que j’allais en studio, je me retrouvais aux côtés de La Fouine ou Mister You. C’est un très bon souvenir. Ou bien fin 2015, quand j’ai pris conscience de mon potentiel et de mes capacités. J’ai alors compris que je ne devais pas me gâcher. Il s’est passé quelque chose de fort ce jour là. Depuis je fais preuve d’autodiscipline, d’autocritique et d’humilité. J’ai eu une révélation en comprenant que j’étais le seul qui pouvait me faire réussir mais aussi le premier sur qui je devais compter !

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