Qualité, sensibilité, ambition et diversité sont autant de dimensions que l’on retrouve chez Zinée, artiste toulousaine proche de la 75ème Session. Sa singularité dans la scène française nous a donné envie de converser dans le cadre d’une interview, huit mois après la sortie de son deuxième EP, Cobalt.
Histoire, ambition, émotion et exclusivité : Zinée s’est livrée à nous lors d’une interview passionnante qui nous aura permis de démystifier la force qui se cache dans son personnage.
Quel est ton ressenti huit mois après la sortie de COBALT ?
Je trouve que c’est un projet qui vit bien, et qui a vécu comme un deuxième essor. Je ne suis pas trop une artiste qui mise sur la quantité. J’aime bien faire des projets finis qui durent dans le temps, et je trouve que COBALT a été bien reçu et nous a propulsés. On a pu montrer une couleur différente, qu’on pouvait faire quelque chose de différent.
Qu’est-ce que tu veux dire par couleur ?
Une musicalité différente. C’est à dire que dans Cobalt, tu retrouves de la trap, tu retrouves de la drill mais aussi des morceaux plus dansants. Et Cobalt c’est la couleur bleue en vérité. On voulait savoir comment elle pouvait être représentée sous différentes musicalités.
Ça sonne très visuel, et c’est quelque chose qu’on retrouve énormément dans ta musique. Notamment à travers tes clips, superbement réalisés. C’est important pour toi d’accompagner ta musique avec quelque chose de plus ?
Je viens du cinéma à la base. J’ai fait des études de technicienne de cinéma, donc c’est un truc qui me plaît vraiment. Pour moi, ça fait bien 25 ans que l’industrie musicale est rattachée à l’image et que ça prend une proportion assez grande. Il y a également des rencontres qui font que. Par exemple, j’ai directement pensé à Yveline Ruaud quand j’ai écrit « Même pas mal ». Avant, le visuel était important. Mais maintenant ça l’est d’autant plus. L’un va avec l’autre.
Tu participes à la réalisation de tes clips ?
Mon dernier clip par exemple, c’est moi qui l’ai écrit. Après je l’ai montré à Yveline et nous avons simplifié, changé certaines choses pour que l’histoire se raconte de la manière dont elle est racontée maintenant. J’avais la main mise sur ce que je voulais faire. Je voulais être seule, avec plein de chiens dans une maison abandonnée et qu’à la fin, la pochette apparaisse. J’avais déjà tout ça dans ma tête et Yveline a tout mis en lumière car c’est son métier tout simplement.
J’ai une équipe hyper solide, et Bouherrour en fait partie aussi. On a un processus dans lequel je lui fais archi-confiance. Un lien s’est créé entre nous, job mis à part. Je lui envoie des maquettes, on discute sur des axes, et je lui laisse ensuite libre cours. Je ne veux pas quelque chose de juste joli esthétiquement, il faut que ça aille plus loin. C’est comme ça qu’on a fait les pochettes de Cobalt, Futée, et qu’on fera les futures!
Tu nous parles d’histoire, notamment sur tes pochettes. Quelle est celle de Cobalt ?
Toujours en lien avec la couleur, on était sur des thématiques « bleu, nuit ». On voulait également faire quelque chose qui n’avait rien à voir avec Futée, donc pas de 3D. Bouherrour est parti du mood « nuit », puisque moi je fonctionne beaucoup avec les lieux. Je n’habite pas loin d’un bois, et je voulais cette ambiance nocturne liée au thème de « Même pas mal ».
On est partis du principe mélancolique du passé où trois chemins se présentent à toi. Tu peux retourner vers le passé avec le crâne présent sur la cover de Futée. Tu peux aller vers le futur représenté par une cabane avec un homme dedans. Une personne se tient à ma gauche, qui représente quelqu’un que j’ai perdu dans ma vie, me montrant que le bon chemin à prendre est celui du juste milieu, entre passé et futur.
Quelles ont été les différences entre Futée et Cobalt ?
Futée est mon premier projet. Il s’agit de quatre titres et quand tu fais ça, tu n’as pas le temps de développer autant que quand tu fais dix titres. Sur Futée, je voulais juste un fil rouge. Dans ce projet, il y a comme une unique musicalité, même si les quatre morceaux sont complètement différents. Ça parle tout de même d’une petite enfant du sud qui se trouve pas bien dans sa peau. C’est plus dense.
Avec Cobalt, j’ai pu explorer plusieurs choses comme avec « Dallas » notamment, qui n’a pas grand chose à voir avec mon processus de base. Il s’agit de condenser. C’est plus difficile de faire un petit projet, parce qu’il faut que tout soit concentré de manière efficace.
Je suis vraiment quelqu’un qui veut faire de la qualité.
Tu possèdes une approche très sélective après avoir fait pleins de morceaux ?
Je suis vraiment quelqu’un qui veut faire de la qualité. Le quantitatif ne m’intéresse pas et ne m’intéressera jamais. Même si un jour j’ai un public acquis, je ne sortirais jamais de morceaux pour sortir des morceaux. C’est pas mon mode de pensée par rapport à la musique. J’ai la chance d’en vivre, et je veux bien faire les choses.
Sur tout ce que tu jettes, il y a des choses qui trouveront leur place plus tard. Tu ne jettes rien de manière définitive dans la musique.
Tu sembles très sélective dans les gens que tu fréquentes, c’est pareil dans tes featurings ?
C’est une question de feeling. Ce sera toujours personnel, et pas business. C’est mieux quand j’ai la possibilité d’être dans la même ville que la personne, que ce soit pour mon projet ou le sien. J’ai besoin de connaître sa vision artistique, et pour moi c’est pas commercial. Il faut qu’il y ait une histoire.
Avec Sean par exemple, on s’est contactés sur les réseaux sociaux. Il est ensuite venu pendant tout le processus du morceau « WGA », et a été archi-impliqué. En plus, ça a matché directement d’un point de vue artistique entre nous.
À propos de tes artistes français préférés, qui sont-ils et sont-ils des gens avec qui tu voudrais collaborer ?
C’est le genre de choses que je n’aimerais pas aborder maintenant, étant donné que j’estime être trop tôt dans mon processus artistique pour avoir la prétention de dire « je veux aller feat avec celui-ci, celui-là… ». Beaucoup de gens sont étonnés car ils ne m’évaluent pas comme moi je m’évalue. Mais un album, quelque chose avec une dimension plus grande, avec une rencontre humaine, pourquoi pas ?
Je ne suis pas trop dans l’optique d’aller demander. Il faut que je croise l’artiste, que ça matche artistiquement entre nous dans l’idéal. Je préfère clairement que tout se fasse naturellement plutôt que, même si j’adore l’artiste, aller le démarcher.
Mon artiste préféré, c’est Jul. J’écoute tout ce qu’il fait, chaque projet qu’il sort. Mais même si un jour j’ai un énorme succès, je n’oserais jamais lui envoyer de message. J’ai du lien avec Marseille, avec le Sud en général. Donc si un jour on doit se rencontrer, on se rencontrera. Je crois beaucoup au destin.
Tu sembles extrêmement sensible, quasiment vulnérable comme on peut l’entendre sur « Grenadine ». Mais sur « Matière Grise », on t’entend dire que t’es la meilleure. Comment vois-tu cette opposition des comportements ?
C’est un système de protection. Je pense qu’il y a le rap, ce que ça représente avec l’égotrip qui y est intégré. Mais j’adore rire en vrai, passer par ce système pour sortir de situations complexes. Je suis très vulnérable sur pleins de choses effectivement, mais j’ai tout de même beaucoup d’autodérision et suis très forte sur d’autres choses. Ce n’est pas parce que t’es forte sur beaucoup de domaines, qu’il n’y a pas des moments où ça coince.
Je pense que c’est important de dire quand t’es pas bien. Je le fais dans ma musique et je reçois pleins de messages de gens qui me disent qu’elle leur fait du bien. Moi aussi je passe par là et la musique ne doit pas être que du paraître.
Tu dis également que tout le monde va bientôt comprendre que tu es la meilleure. Quand penses-tu que cela va arriver ?
C’est plus un objectif vis-à-vis de moi-même. J’aimerais être reconnue pour mes sonorités propres. Je me tire les cheveux pour arriver à faire des choses différentes, et à raconter des choses plus complexes qu’avant. Je suis en perpétuelle évolution. C’est comme un sport au final, je m’entraîne tout le temps.
J’aimerais alors savoir quelle approche tu adoptes avec l’écriture. Tantôt personnelle, tantôt égo-trip. Comment Zinée se lance dans un morceau ?
Tous les jours, j’écris un peu. Que ce soit un 6, un 8 ou un 12, ça dépend. Ensuite, quand je passe en studio, je vais dans mes notes, puis je vérifie ce que j’ai écrit. Je prends une phrase, un thème, et en fonction de mon mood en découle quelque chose.
Je n’écris pas par rapport à la prod, j’écris souvent sans. Après, en studio, je réadapte mes phrases. Quand je suis avec les beatmakers, je fais surtout des toplines. Mais j’écris tous les jours.
Revenons sur l’approche visuelle. Tu es passée récemment sur Arte en live, c’est quelque chose que t’aimes particulièrement ?
J’aime trop le live. Il vaut mieux d’ailleurs, parce qu’on a 50 dates cette année *rires*. Printemps de Bourges, Dour, We Love Green… Le fait d’avoir pris des musiciens dans mon équipe donne une nouvelle dimension à ce que je fait. Quand il y a des instruments et que je joue sur une scène, c’est forcément différent.
Je fais d’ailleurs ma première date parisienne en solo très bientôt !
Pas trop indiscret de te demander la suite ?
J’ai beaucoup de dates déjà ! Mais à côté de ça, je prépare la suite en faisant énormément de musique. On reviendra avant cet été, en marge de la tournée, puis un EP arrivera en automne !