À l’occasion de la sortie de son nouveau projet Addict, nous avons rencontré Dehmo pour une interview. Le rappeur originaire de Paris XIII nous a parlé de sa musique, de ses objectifs et ses meilleurs souvenirs.
Qui est Dehmo ? D’où viens-tu ?
Dehmo c’est un petit gars du 13, de Paris XIII, qui a une histoire tout à fait banale parmi celles de tant de jeunes de quartier qui ont grandi seuls avec leur mère, un gars qui a déménagé je ne sais pas combien de fois et qui a retrouvé une stabilité dans le XIIIe arrondissement de Paris, où il a grandi.
Ça n’a pas été trop dur de bouger tout le temps et de voir des nouvelles têtes à chaque fois ?
En fait j’y étais tellement habitué que ça faisait partie de mon quotidien. J’ai grandi avec ça, pour moi c’était normal. À la base j’étais un bon gars, quand je sortais je n’aimais pas faire de bêtises. En CE1 j’étais troisième de ma classe, j’étais cool. Après je suis arrivé en CE2 dans le XXe arrondissement à Gallieni, ils ont niqué mon avenir. Ils étaient trop voyous. Là-bas j’ai vu l’autre côté. Et depuis ce jour-là je suis devenu un enculé.
C’est quoi le meilleur souvenir de ton enfance ?
Celui qui m’a le plus marqué c’était quand j’étais en 4ème, j’ai eu 11.5/20 de moyenne générale. À cette époque ma vie était un foutoir ! J’étais un voleur, un arnaqueur, un menteur, un connard, un microbe ! Moi en 4ème je me suis fait arrêter par les « shtars » parce que je vendais de la drogue. Je faisais tellement de bêtises que j’avais oublié ce sentiment d’être bien, que ta mère soit bien et d’être serein. J’avais toujours quelque chose à me reprocher. Donc à ce moment là j’avais un sentiment de liberté, j’avais l’impression d’être quelqu’un de bien qui a une bonne moyenne, qui a une mère fière de lui. Ce sentiment je ne l’oublierai jamais de ma vie.
D’où vient ce nom « Dehmo » ?
C’est moi qui me suis surnommé Dehmo. Quand j’ai commencé le rap j’avais un vieux blase pourri. Je te préviens tout de suite, je ne te le dirai pas ! Après j’ai essayé de faire un mixte bizarre de mon nom, je crois que j’étais en 3ème ou en 4ème. Mon prénom c’est Mohamed, j’ai essayé de trouver par rapport à ça. À la fin je me suis retrouvé avec Dehmo, ça n’a pas grand-chose à voir mais quand on te le dit, tu comprends mieux.
Ça fait longtemps que t’es dans la musique ! Comment as-tu commencé ?
Très, très, très longtemps. Je suis dans la musique depuis le collège. Au début je ne le prenais pas vraiment au sérieux. Parce que quand j’ai commencé c’était nouveau, ce n’était pas aussi populaire qu’aujourd’hui. On enregistrait sur Audacity avec mes potes après les cours pour représenter le quartier. Après dès que j’ai vu que j’étais dans les temps, j’ai commencé à m’entraîner.
« Être dans les temps c’est le truc le plus important pour moi ! »
C’était très important pour toi d’être dans les temps ?
Être dans les temps c’est le truc le plus important pour moi ! À l’ancienne il n’y en avait pas beaucoup de mecs qui étaient dans les temps et je détestais ça. J’avais cette peur d’être comme eux. Donc dès que j’ai vu que j’étais dans les temps, c’était bon. Après on a commencé à faire des accélérations, des nouveaux délires. C’est là qu’on a vraiment commencé à kiffer de fou. Attention ça ne voulait pas dire que j’étais fort ! Mais je me suis dit « C’est bon, un jour, peut-être, j’y arriverai. Il faut que je m’entraîne ».
Quels sont tes inspirations dans la musique ?
Tout. À commencer par les cassettes que ma mère mettait h24 à la baraque et qui me saoulaient. C’était la chorale du dimanche, quand je me réveillais à 9h pour aller à l’église. Je te dis la vérité c’était pas mon style du tout, mais ça rentrait dans ma tête. Il y avait aussi le R’n’B qui passait sur M6, il y a eu la période où moi j’ai découvert le rap avec Nèg’ Marrons de Jackie Brown. Je l’ai entendu à la radio et j’ai kiffé ! C’était le premier morceau de rap français que j’ai écouté. On avait pas accès à internet donc on écoutait ce qui passait à la télé.
Qui est l’artiste qui t’as le plus marqué ?
6lack. J’aime vraiment son délire parce que j’ai l’impression que je ne l’entendrai nulle part ailleurs. C’est unique, faudrait vraiment avoir un talent pour le copier. Il a créé son univers et il est resté dedans.
« Faire un projet c’est comme une mère qui élève ses enfants »
Comment tu prépares un projet ?
Je fais ça plus naturellement. Un projet c’est toi, les gens ne sauront jamais comment tu l’as fait. Ils pourront spéculer autant qu’ils voudront mais ils ne sauront jamais. C’est tout ce que tu peux donner.
Même si les gens ne kiffent que deux morceaux mais qu’ils les écoutent h24, moi ça me va très bien. J’ai donné ce que je pouvais, j’ai donné 100% de moi-même, après c’est à vous de le prendre comme vous voulez. Faire un projet c’est comme une mère qui élève ses enfants, mes bébés je les ai bien éduqués, maintenant je les laisse dehors et je pense qu’ils vont se débrouiller. En tout cas j’ai donné le maximum de ma personne, à un moment ils vont se retrouver dehors devant des gens qui vont les critiquer, c’est la jungle.
Si tout le monde devrait écouter un de tes morceaux, lequel serait-ce ?
Kara, son manageur : Éthologie !
*rires* Mais ça c’est toi ça ! C’est un fou ce mec, on me parle de moi et il me parle de lui ! Bah vas-y il a dit Éthologie. Moi je dirais Adrian. Il y a des morceaux comme celui-ci, quand je retombe dessus ils me mettent des baffes.
Tu te vois où dans les prochaines années ? Toujours dans la musique ?
Je ne me vois nulle part, mais j’aimerais bien faire le tour du monde, franchement j’aimerais bien visiter le monde. En fait tout ce que je fais actuellement, c’est pour ça. Ce n’est pas vraiment l’objectif final, mais je dois passer par cette étape. Plus je grandis, plus je me dis que c’est important.
Tu aimes la scène ? T’as fais beaucoup de concerts ?
Ouais, c’est l’aboutissement de mon travail. J’écris mes projets tout seul, dans un coin de ma tête. Et voir que ce coin de ma tête a réuni autant de personnes devant moi avec qui je peux partager ça, c’est un truc de fou, c’est un truc de malade. On a tourné un peu partout en France, en Suisse, on est allés à la Réunion. On a fait beaucoup de scènes ce n’est pas vraiment nouveau.
C’est quoi ton meilleur souvenirs d’un concert ?
C’était le Bataclan. On était dans une petite salle, à l’époque on pouvait ramener 2 000, voir 3 000 personnes. L’équipe de Seine Zoo avec qui on a partagé la scène du Bercy de Nekfeu nous avait prévenus. Ils nous avaient dit que les meilleurs concerts, c’était ceux qu’on vivait parce qu’il y a une sorte de proximité avec le public. Cette proximité, tu la perds à partir du moment où cet échange se transforme en spectacle. C’était les meilleures ambiances.
Photos : © Valaxx_
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