Sur Autobahn comme sur l’Autobahn, SCH passe de 90 kilomètres par heure à 140 battements par minute. Critique d’une mixtape automobile qui joue de son caractère full options.
SCH a dévoilé sa toute nouvelle mixtape, Autobahn. « Ce dont on parle, c’est le public des premiers instants qui peut-être, se sent froissé quand je sors des singles, qui sont d’ailleurs tous diamants et qui me font avancer moi dans ma vie et dans ma carrière. En fait, ce que je déplore c’est qu’on ne salue pas la versatilité » – SCH pour Le Code de Mehdi Maizi. Au nom du rap, Julien Schwarzer semble ne pas aimer être celui que le public attend qu’il soit. À chaque année, sa dose de SCH. Et chaque année, un contrepied. Il n’est pas osé de dire que le marseillais a été un acteur majeur du rap français ces 7 dernières années.
Depuis son premier essai studio légendaire A7 en 2015, Julien Schwarzer a été on ne peut plus régulier avec un projet par année. Une seule exception, l’année 2020 dont l’absence solo du rappeur aura été marquée par sa participation sur l’hymne « Bande Organisée » du collectif 13’Organisé. Une pause qui lui aura également permis de prendre le temps et de faire le pont entre l’opus numéro 1 et 2 de sa saga fictive/réelle JVLIVS (Jyvéellivéesse pour les intimes).
mOtto et autos
La citation introductrice représente le motto même de la nouvelle et deuxième mixtape de l’artiste. Plus satisfait de représenter le rappeur sec à la gestuelle hypnotisante, SCH a voyagé d’année en année, de projet en projet dans une subtile quête de sens, et le temps a fait le travail. Sauf que, devenu une superstar du rap français, il est désormais compliqué de pouvoir identifier l’artiste de manière brève. En témoignent les deux singles sortis en amont du projet.
« LIF » (terme représentant le contrôle du cabrage caractéristique à Yamaha), menace grâce à son ambiance classique et sauvage qui dévoilait alors un SCH plaisant à Monsieur Tout Le Monde. Quelque chose de bon, qui ne déborde pas de plaisir ni d’ennui. « Tu sais comment on fait un son, tu sais comment on coupe une (Plaque) », peut-être le rappeur s’adresse à lui-même? Cette ouverture tout public suivie de « Niobe », titre drill tempéré au flow linéaire, avait de quoi satisfaire autant que de quoi faire craindre. Le départ était douteux, mais il se trouve que les deux morceaux s’inscrivent dans un projet qui représente bien plus. À l’écoute de ce nouveau projet, Autobahn semble comme une évidence.
Annoncé, ou plutôt imaginé par tout internet comme un nouveau A7, un A7 2 (le nom aurait fait tâche non?), cette mixtape est évidente, mais définitivement pas prévisible. Nouveau contrepied. Comme un Squeezie créateur du GP Explorer, conduire sur la fameuse autoroute allemande dénuée de limitation se retrouve être un exercice riche en expériences.
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Julien a abandonné l’Autoroute 7 et ses quatre Audi A7 Sportback (cf. la couverture shootée par Bleu Mode), et fonce maintenant en F1 sur l’autobahn. Car même sous mixtape, le rappeur ne peut s’empêcher de dessiner une esthétique propre à son projet. Vu la symbolique automobile de sa couverture et des effets sonores, ce concept tombe sous le sens. Chaque nouvelle piste d’Autobahn montre l’étendue du champ de manoeuvre du rappeur, sans pour autant nous être étranger. Le rappeur se teste sur tout ce qu’il veut et prône la liberté artistique. Toujours avec une efficacité notoire dans les flows, SCH enfile les genres comme les perles. Ce qui ne se ressemble pas, s’assemble ici. La fin de « Offshore » signe alors une transition qui donne tout son sens à la direction du projet, enfin…
Liberté artistique définition
Le titre éponyme laisse néanmoins confus quant au sens de la mixtape. Censé représenter le projet, il montre un SCH qui n’a pas bougé depuis 2020 et son association avec Jul, du moins sur le papier. Le rappeur s’y débrouille et pose sa différence comme il peut, mais il est facile de comprendre que ce style ne lui appartient pas. On s’en souvient plus comme d’un type beat du J qu’autre chose. On ne peut quand même pas s’empêcher de rêver d’être à 200 sur l’autoroute genre Bac Nord avec le son à fond. Malgré l’approbation générale du public à « Magnum », mettant en scène un SCH vintage, il ne faut maintenant plus que voir la bouteille de Polia et la cave totalement vides.
Sur cette deuxième partie de course, il laisse de la place à So La Lune sur « Transmission Automatique » et sa prod 2-step, de quoi exposer son talent brut à une plus grande audience. On retient la vibe jersey-drill sur « 83K » comme d’un essai au culot qui trouvera son public, mais surtout le retour de Guilty à propos d’un « Coeur de môme » qui nous ramène à la vibe génération Y de « Ciel Rouge » sur JVLIVS.
Autobahn ne sera jamais votre disque préféré de SCH, mais il n’a pas non plus été créé pour l’être. Le terme de mixtape n’a jamais eu autant d’importance pour l’artiste, encore plus que lors de l’ère A7. Ce nouveau projet est le bac à sable qui manquait cruellement au môme, où celui-ci peut tenter une multitude de choses. L’échec de JVLIVS II en avait besoin. Même les chercheurs d’émotion tombés dans ce mélange sombre ont leur moment sur « Actes », l’outro du projet. L’essence même d’Autobahn se trouve dans la versatilité justement défendue par l’artiste lors de son échange avec Mehdi Maizi.
Comme un Lil Wayne sur Da Drought 3 -avec la longueur en moins-, SCH montre en l’espace d’un projet sur combien de tableaux il peut jouer. À l’inverse du Lil Wayne de 2007, le français a déjà prouvé à ce stade de carrière mais veut tout de même surprendre, car il n’a jamais été aussi polyvalent que sur son nouveau disque. Sur Autobahn comme sur l’Autobahn, SCH passe de 90 kilomètres par heure à 140 battements par minute.