Le 22 février 2021, la carrière des Daft Punk mettait la clé sous la porte bien que leur influence – elle – demeure ancrée pour toujours et à jamais.
Près d’un an plus tard, Weiland signe la relève avec son album « Vices » malgré un statut encore loin d’atteindre celui de légende. Toutefois l’histoire est en marche et elle a débuté depuis la sortie de Vices, le 22 avril 2022.
Un artiste assis sur l’inattendu
“Honnêtement, personne ne saura à quoi s’attendre. Chaque chanson est une surprise”. Voilà ce qu’en disait le jeune. En effet, les fans n’imaginaient probablement pas que le style de Weiland dévierait tant sa trajectoire. L’inattendu s’est donc répercuté mais que peut bien en penser le grand public qui, lui, fait face à l’inconnu ?
Originaire de Floride, Weiland a décidé de rejoindre Victor Victor Worldwide dans le temple musical qu’abrite New York. Le label auquel appartenait Pop Smoke, géré par Steven Victor, compte aujourd’hui des artistes tels que Nigo ou encore Pusha T.
Premier album studio chez VVW, Vices est donc le 4ème de la discographie de Weiland. Étonnamment, il a tout de même débuté dans la plug pour finir avec de l’alternative pop. L’explication est claire, c’est celle de l’influence massive du gangsta rap. Raison pour laquelle il possède un featuring avec Chief Keef sur le morceau “Haha”. À côté de ça il a également collaboré avec le rappeur Yeat. Mais l’attention qu’il porte pour les travaux d’Imogen Heap, Aphex Twin et les Daft Punk a naturellement formé ce déclic pour un amour d’un autre genre.
L’énoncé du post-modernisme
Les usines à samples n’ont-elles jamais autant bien fonctionné qu’à notre époque ? La flamme de l’imagination a-t-elle cessé de brûler ? Weiland a bien compris que la musique du XXIe siècle se résumait en majorité à emprunter à celle qui préexistait.
Vices repose sur deux éléments, essentiellement le deuxième. Les paroles auraient beau être dénuées de sens, l’impression est telle que l’album tiendra toujours quelquechose : la production. Le grand Mike Dean et Jordan Fisher – aka Fish, un producteur indépendant d’Atlanta – s’imposent comme les deux principaux architectes du projet. On compte également Clibbo sur “Broken Ego”, le jeune néerlandais ayant déjà travaillé aux cotés de Lil Uzi Vert ou encore Drake.
« Je crois que nous atteignons un point de notre culture où 100 % d’originalité devient une chose difficile à obtenir. Nous allons revisiter le passé tout en faisant les choses de manière post-moderniste » ;
« C’est ce que j’étiquetterais de mon style pour tout ce que je fais. Fondamentalement, construire quelque chose de nouveau à partir de références du travail des autres », confie-t-il dans une interview.
L’album n’est pas très long, certes. Mais il ne nous prend pas de court en ayant l’obligeance de paraître différent à chaque écoute. Vices de Weiland se découvre, se redécouvre puis se révèle avant d’atteindre la promiscuité d’un corps à corps ; celle entre le chanteur et son auditeur. Je rajouterai une chose : ne vous arrêtez pas à aux premières écoutes qui semblent parfois redondantes. Elles vous guideront à la psychanalyse musicale escomptée. Croyez-le ou non, votre ouïe vous remerciera – trève de bavardage.
La tracklist parle d’elle même et il ne suffit d’un rien pour savoir vers où le navire met le cap. Santé mentale siphonnée et amour couleur morose contrastent avec les vocalises ultra auto tunées qui transportent la mélodie. S’en suivent booms et détonations qui ne peuvent que nous replonger dans l’entre du synthétiseur connu pour 808’s & Heartbreak : le chef d’œuvre fortement influencé par la synthpop et l’électropop des années 1980. Kanye confiait d’ailleurs à son sujet: “c’est un peu d’autotune et beaucoup de vie foutue. Cet album était thérapeutique – on se sent seul au sommet”. Ne cherchez plus quelle station FM lancer. Positionné sur le même signal, Vices en propage relativement les mêmes ondes.
L’espoir en demi teinte face à la dérive des sentiments
Oh l’amour. C’est beau. Mais ça fait mal.
“Love/Paranoia” de Tame Impala aurait pu s’immiscer dans Vices. “Love lockdown” de Kanye West aurait pu s’immiscer dans Vices. De même pour “The Game of Love” de nos Daft Punk.
Oh ces chansons qui parlent d’amour… Elles savent très bien comment faire vibrer la corde sensible. Comment remuer le couteau dans la plaie. Comment démontrer qu’amour et haine sont revers d’une même médaille. Tout compte fait, il serait à peine étonnant que Vices se soit incorporé dans ces albums voyez-vous. Certains retiendront une assimilation bien trop importante et systématique. D’autres reconnaîtront le talent d’avoir établi l’ossature digne d’une pluralité de classique.
Mais Vices n’est pas uniquement un regain de lettres destinées aux coeurs brisés. C’est à la fois le refrain d’un état dépressif. Probablement causé par l’absurdité de l’hiver. Réellement provoqué par les gens. Car oui, on sait pertinemment que l’enfer ce n’est pas nous. C’est les autres :
« Amis avec de fausses intentions, vous vous retrouvez seul
Trois pilules, lavez-les, ça vous fait vous sentir chez vous
Vous perdez tout contrôle
L’innocence est partie […]
Et tu te demandes pourquoi je suis en vie […] – « Slipping Into The Void »
Non ce n’est ni Rue, Jules ou Cassie qui parle. Mais Weiland, évidemment.
Le texte est simple. Pas de métaphores ô grandes complexes puisque la deep conversation suffit à jouer son rôle. Elle satisfait amplement ce que beaucoup recherchent dans la musique, éminemment ce qu’ils en veulent le plus : l’identification, l’empathie, l’absence de vide ainsi que la solution à tous leurs problèmes. Que vous ayez envie de les fuir ou de les surmonter en écoutant Vices ne regarde que vous. La sensibilité est touchée par l’expérimental et le résultat n’est qu’un remède à consommer sans modération pour tout le monde.
« Il s’agit de la façon dont je me sens piégé par tous mes vices – vivre avec des pensées existentielles intrusives, la dépersonnalisation… »
Ce projet n’est vraisemblablement qu’un échec social portant le reflet d’un colosse aux pieds d’argile. C’est l’expérience d’un roi de l’industrie combiné au talent d’un jeune, faisant cavalier seul. Il est clair que Vices a plus d’un tour dans son sac, dont celui qui prête à réparer les âmes morcelées sur le carreau. Par-dessus tout, il s’agit de celui qui tord l’esprit du philosophe à la manière d’un coup de Shirov.
L’album de l’année ou le mirage de la réussite ?
L’engouement autour de cet album rappelait vaguement celui à la sortie de Whole Lotta Red. Quelque chose de surprenant, qui divise mais qui, sur le long terme, ne s’épuise pas. Quitte à ce que les auditeurs soient obligés de changer d’avis.
Hormis cela, Weiland dispose d’une fanbase extrêmement solide. Malgré qu’elle ne cumule pas des millions de followers, les éloges sur Vices sont toujours bonnes à faire. Ne croyez pas tout de même qu’il s’agit de la perfection incarnée, les progressistes approuveront dont moi-même. Cet album n’est pas comme les autres, il n’est pas réellement différent non plus. D’une part, sa ligne directrice et son aspiration se noient de façon troublante dans un sentiment de déjà vu. D’autre part, il y a le label et par là, je ne vais apprendre à personne comment marche l’industrie.
Pour sa défense, j’aime dire dire : “À bas la solitude”. Vices est le nouveau né, le fruit de la descendance. Il porte indirectement un héritage de taille sur ses épaules, ce qui de fait, façonne toute la richesse du projet. Cet album est embelli par la culture qu’il supporte, veillant ainsi à la transmettre aux générations futures.
Weiland est une découverte frappée de rareté dont le projet détient sa place parmi les meilleurs de 2022. Là où la musique est devenue ultra prolifique, loin de ces compilations semblables à des coquilles vides, il nous propose un album qui séduit. Un album qui cherche avant tout à faire ressentir avant même d’être compris.
Le jeune artiste a fait le meilleur choix de sa carrière en prenant le risque d’assumer un tournant pareil. L’inspiration de ses compères n’en a été que bénéfique et une interrogation persiste. Reste à savoir si, un jour, l’élève dépassera le maître.
L’album « Vices » de Weiland est disponible sur les plateformes d’écoute en ligne, dont notamment Apple Music.
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[…] au canon du rap et à son héritage, ce changement de trajectoire rappelle celui plus discret de Weiland en 2022 avec Vices. Un changement qui lui aura à coup sûr permis d’accomplir sa volonté d’être […]