Il y a vingt ans sortait le second album d’Erykah Badu. Nous sommes le 21 novembre 2000. Nous venons d’entrer dans un nouveau millénaire. Comme pour marquer le coup, c’est cette année-là que sort Mama’s Gun.
Il y a certains albums qui vous marquent, qui vous saisissent et ne vous lâchent plus. Après Baduizm, son premier album sorti en 1997, Erykah Badu réussit à se faire un nom dans l’industrie. Le disque va même se frayer un chemin jusqu’à la tête du Top Hip/RnB de l’époque. L’artiste est donc considérée comme prometteuse et forme avec Andre 3000, un couple heureux .
Cette neo-soul, qui émerge d’un savant mélange entre le RnB et la soul (mais aussi du jazz ou le hip-hop) se cherche encore des figures après Lauryn Hill (The Miseducation of Lauryn Hill,1998) ou encore Maxwell. Erykah Badu profite de la brèche pour occuper le devant de la scène . En septembre 2000, c’est le morceau Bag Lady, qui sort pour annoncer la venue de l’album. Ce titre, tout en volupté, s’adresse à une jeune femme cherchant à s’engager dans une relation, malgré un »bagage » émotionnel important, résultant de relations antérieures. Bag Lady fait mouche et s’installe au premier rang des charts US. Cela est de bon augure pour la suite.
The Soulqarians
Difficile de parler de neo-soul et d’Erykah Badu sans parler des Soulqarians. Le collectif réunit parmi les artistes les plus en vues de l’époque : D’Angelo, Common, Questlove (The Roots), Billal, Roy Hargroves ou encore le défunt génie J Dilla . Déjà à l’origine de l’album Voodoo de D’Angelo, sorti en février 2000, les Soulqarians frappent de nouveau sur Mama’s Gun.
D-Day
L’album s’ouvre avec Penitentiary Philosophy et la voix de Badu au pitch, modifié électroniquement. La magie opère toutefois avec le second titre, Didn’t Cha Know , produit par nulle autre que J Dilla, qui est connu pour son sampling novateur. Le morceau est propice à la réflexion et à l’apaisement, bercé par la voix d’une artiste en pleine introspection, se demandant quel chemin prendre ( I’m trying to decide, Which way to go) . On retrouve aussi le morceau Cleva, dans lequel on entend au vibraphone, Roy Ayers, innénarable figure de la musique américaine.
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Les envolées poétiques de celle que l’on surnomme Fatty Belly Bella, sont claires et limpides. Pour certains Baduizm est un peu plus ésotérique et abscons. Sans pour autant être moins important en terme de qualité.
Mama’s Gun est toutefois bien digéré par un nouveau public qui apprécie cette continuité musicale et conceptuelle. L’album vient également aborder plusieurs sujets comme les violences policières. Le morceau A.D 2000, est écrit en hommage à Amadou Diallo, jeune ressortissant guinéen, assassiné par la police new-yorkaise en février 1999. Time’s A Wastin est l’avant-dernier titre de l’album. Les violons font leur entrée en force, soutenus par une batterie qui impose le tempo. Badu rappelle aux jeunes hommes la vitesse à laquelle le temps passe, dans un monde toujours plus rapide. (Living in a world that’s oh-so-fast, Gotta make your money last, Learn from your past, oh).Il est aussi important de rappeler que la sortie de l’album fait suite à une rupture avec Andre 3000 . Le morceau Green Eyes, d’une durée de 10mn fait état de cette mélancolie et de cette état de vulnérabilité. Il vient conclure avec brio cette escapade musicale.
Un Chef d’oeuvre
L’album a tout d’un classique. L’harmonie et l’énergie qui s’en dégage sont impressionnantes. Menées entre autres par des percussions, que ce soit à la batterie ou par des bongos. Ces derniers donnent le ton et la marche à suivre de ce disque.
Badu est à la tête de ce mouvement neo-soul. Un mouvement friand d’afrocentrisme et de knowledge (savoir), comme le mouvement new-yorkais qui touchait le hip-hop au milieu des années 90 avec la pré-dominance de la NOI (Nation of Islam).
Les critiques sont bonnes pour Badu. All Critic donnera 4 étoiles (sur 5) à l’album. Wayne Franklin de PopMatters parlera de l’album comme une »oeuvre d’art ». Didn’t Cha Know sera nominé au Grammy dans la catégorie Best RnB Song. Un disque de platine dans son pays, disque d’or au Canada, au Japon, au Pays-Bas et au R-U. L’album est un véritable succès sur tous les plans. En clair, Erykah Badu a inscrit son nom au Panthéon de la musique afro-américaine en deux albums !